Handel SAUL Paris 31.I.2020

PARIS: HANDEL SAUL

Théâtre du Châtelet, Friday 31 January 2020, 8 pm 

Dancers: Robin Gladwin, Ellyn Hebron, Merry Holden, Yasset Roldan, Gareth Mole , Damian Czarnecki (cover) 

Orchestra: Les Talens Lyriques 

Musical direction & Chamber organ: Laurence Cummings

Direction: Barrie Kosky 

Choreography: Otto Pichler 

Setting and costumes: Katrin Lea Tag 

Lighting design: Joachim Klein 

One of the most brilliant Handel productions ever seen ! Dary, subtle and clever. A pure delight with a strong cast, chorus, orchestra and conductor !

          Peu de spectacles vous emportent au firmament. Mélange d'allégresse, de puissance émotionnelle et de folie baroque. Voilà à quoi les 30 premières minutes de ce spectacle vous convient. Costumes XVIII° siècle, légèrement décalés, danses frivoles et endiablées. Le tout mené par des choristes survoltés qui terminent cette première partie dans un Alléluia fracassant ! Le public est sous le choc !

          Alors, on se dit qu'il va falloir à Barrie Kosky une sacrée dose d'inventivité et d'ingéniosité pour maintenir, sinon dépasser, ce niveau d'excellence tout au long de son spectacle. Et les bonnes surprises ne tardent pas à arriver. Avec pour commencer, l'abondance démesurée des victuailles déposées sur une table immense à la promesse d'un souper gargantuesque pour fêter la victoire de David, victorieux de Goliath dont la tête gît tel un trophée de chasse au devant de la scène. Les sentiments et surtout la psychologie des personnages sont largement et intelligemment traités dans ce spectacle tel l'amour clairement établi entre David et Jonathan ou la jalousie d'un Saul qui va le conduire à une folie vindicative, sa lâcheté lorsqu'il crève l’œil de Goliath pourtant déjà terrassé par David, un exploit qu'il prend à son compte en paradant la tête. Le spectacle prend même une tournure extrême, subtile et dérangeante au point de bousculer notre entendement: la sorcière à la voix de ténor, représentée ici par un vieux sage aux mamelles tombantes donnant la tétée à Saul !  

Un spectacle à l'esthétique brillante et noire, divertissant et hautement théâtral. Certains effets sont saisissants comme l'ouverture de rideau de la seconde partie avec son plateau inondé de bougies telles des lueurs d'espoir. Ou bien le joueur d'orgue qui se retrouve en lévitation avec son instrument, tournoyant au-dessus de la scène. Et que dire du final dont on sait combien il est émouvant dans cette œuvre, et bien jamais il ne l'aura été autant, on frissonne, la gorge se serre et les larmes pointent... On ressort dévasté ! 

           La distribution qui était déjà de grande qualité lors des représentations de 2014, semble ici encore monter d'un cran pour approcher la perfection. A commencer par la divine Anna Devin dont le soprano riche et fruité s'impose avec bonheur sur toutes les scènes baroques depuis quelques années. Sa Michal, certes douce et virginale, est loin d'être l'oie blanche dans laquelle elle est souvent cantonnée, elle possède caractère et détermination lorsqu'elle s'oppose notamment à son géniteur. 

          Jamais Merab n'aura été aussi bien chantée, avec la voix charnue et centrale de Karina Gauvin, cruelle et tendre à la fois, touchante à l'extrême dans sa prière "Author of peace" mais surtout excellente dans les coups d'éclats lorsqu'elle est excédée par la prétention d'un David qui voudrait s'élever au rang royal de la famille, qu'elle traite de "slave" (esclave) de sa voix parlée.  

          Malgré un timbre peu séduisant, Christopher Ainslie dans le rôle de David est parvenu à convaincre grâce à un physique plutôt crédible et en négociant habilement son air "O King" mais aussi en conférant douceur et émotion à l'air "O Lord".

          Quant au rôle titre, magistralement interprété par le baryton-basse Christopher Purves, totalement investi dans une interprétation psychologiquement complexe et poussée à l'extrême par Barrie Kosky: un personnage rageur, en proie aux doutes, pitoyable, incestueux, rongé par une jalousie telle qu'elle va le conduire à la folie (sa tête est attaquée par une multitude de mains noires, telles des mygales tueuses. Son imagination se retrouve matérialisée sur scène). Bonne idée aussi de lui confier le court rôle de Samuel, une apparition furtive qui met plus encore en exergue sa folie. La clarté et la solidité de la voix du baryton-basse se soumet idéalement au service d'un rôle quasi parlé plutôt que chanté et hautement théâtral. Ce subtil mélange entre déclamation théâtrale et chanteur d'opéra est tout à fait savoureux, un langage différent des autres rôles. 

          Son fils Jonathan, magistralement interprété par l'un des meilleurs ténors baroques du moment Benjamin Hulett, est déchiré entre l'amour d'un père sénile et dangereux et l'amour qu'il porte à David. Touchante mais violente relation père / fils. On admire copieusement le timbre séduisant et brillant, les facilités techniques ainsi que son engagement. 

          Enfin, Stuart Jackson dans le rôle d'un Abner en grande forme vocale (en plus des petits rôles du Grand Prêtre, de Doeg et d'un Amalécite), parvient à se distinguer et même fasciner avec ce personnage si insolite, sorte de commentateur des événements, et ici admirablement pensé en bouffon du roi. Avec un physique démesuré et des ongles outrageusement longs, il incarne également la folie et la jalousie d'un roi décadent. 

Le reste des petits rôles ont, eux-aussi largement contribué à la réussite de la soirée. 

Alors, que demander de plus: une mise-en-scène qui relève du génie, pleine de surprises et émouvante, des solistes vocaux de premier choix soutenus avec force par l'orchestre Les Talens Lyriques et le chef anglais Laurence Cummings au meilleur de leur forme mais surtout le phénoménal Glyndebourne Chorus. En effet, chacune de ses interventions s'est révélée être une bénédiction à la force dramatique impressionnante, il devient alors le personnage le plus important de la distribution. Mémorable à tous points de vue !