Madrid : Haendel TOLOMEO 23.IV.2023

Madrid, Teatro Real, le dimanche 23 avril 2023 à 18h

HANDEL : TOLOMEO, opera seria en trois actes, sur un livret de Nicola Francesco Haym, d'après Tolomeo et Alessandro de Carlo Sigismondo Capece (Rome, 1711 - musique de Domenico Scarlatti)

Ensemble Il Pomo d’Oro

Francesco Corti, direction et clavecin 

Tolomeo : Jakub Orlinski © Jiyang Chen
Alessandro : Paul-Antoine Benos-Djian © Edouard Brane

Divin Tolomeo 

          Alors que l’opéra Tolomeo s’est toujours fait très rare, voilà qu’il trouve grâce auprès des organisateurs de concerts ces derniers temps : une production à Lübeck en 2020, une autre production à Karlsruhe en 2020 et 2022 (voir notre compte rendu), enfin, une tournée de cet opéra est prévue la saison prochaine avec notamment Christophe Dumaux.   

          L’ensemble Il Pomo d’Oro, en tournée, proposait son interprétation de l’œuvre lors d’une halte au Teatro Real de Madrid. Œuvre à l’inspiration déséquilibrée, l’ennui y côtoie le meilleur de Haendel. Le livret de Tolomeo, plutôt chiche, traite  essentiellement d’amour et de pouvoir.  

          Les interprètes nous proposaient une version de concert améliorée, notamment grâce à Jakub Orlinski, riche de son expérience scénique de Karlsruhe. Très à l’aise, à la différence des autres, il favorisait les déplacements sur scène, loin de sa partition. Avec son timbre de velours, il a livré une interprétation tendre, vibrante et rageuse à la fois du rôle. La scène de son empoisonnement a été particulièrement émouvante. Une voix limitée cependant dans son ambitus. On aurait pu espérer des cadences et autres fioritures hautes, en vain. 

          C’est l’excellent Paul-Antoine Benos-Djian, qui interprétait luxueusement le rôle du frère de Tolomeo : Alessandro. Haendel lui a notamment réservé l’air le plus brillant de la partition avec cors. Un air tiré de l'opéra Riccardo I et ajouté à Tolomeo lors d'une reprise de l'œuvre avec un texte adapté 'S'è ristretto fra le catene' (originellement 'Dell'orror di giuste imprese'). Tour de force pour le contre-ténor, qui en a donné une brillante interprétation.  

          Mélissa Petit, délicate, charmante et noble dans le rôle de Seleuce, s’est montrée étonnamment sobre. Avec des moyens comme les siens, elle pouvait largement abonnir son rôle.  

          Bonne idée de distribuer la mezzo-soprano Giuseppina Bridelli dans le rôle d’Emilia. Son mezzo sombre et chaud donne davantage de consistance et de noirceur à son personnage et permet une meilleure distinction avec le rôle de Seleuce avec lequel on le confonf souvent. Très en forme, elle impressionne, notamment avec ses vocalises et cadences enflammées

          Reste le cas de la basse Andrea Mastroni dans le rôle d’Araspe. Doté d’un timbre noir comme le jais, il n’a fait qu’une bouchée de ses deux airs. Cependant, il est surprenant que son air de bravoure, le plus important des trois airs du rôle, ait été coupé. On serait en droit de se demander si l’interprète en était capable car “Piangi pur” atteint des notes hautes, assez redoutables pour toute basse. Et puis, on se souvient de son interprétation frauduleuse de l'air 'Fra l'ombre e gli orrori' avec ses notes aigues chantées en voix de tête, lors de l'anniversaire du Concert d'Astrée au Théâtre des Champs Elysées. 

          Un concert porté également par l’ensemble Il Pomo d’Oro, très investi et pugnace, sous la baguette du jeune talent Francesco Corti. 

Ruggero Meli