PARIS : Haendel Giulio Cesare 25.I.2024

Un  Cesare de bonne facture mais sans passion.

Paris, palais Garnier, jeudi 25 janvier 2024 19h. 

Haendel Giulio Cesare, opéra en trois actes sur un livret de Nicola Francesco Haym


Giulio Cesare : Gaëlle ARQUEZ, mezzo-soprano

Cleopatra : Lisette OROPESA, soprano

Sesto : Emily D'ANGELO, mezzo-soprano

Cornelia : Wiebke LEHMKUHL, contralto

Tolomeo : Iestyn DAVIES, contre-téno

Achilla : Luca PISARONI, baryton-basse

Nireno : Rémy BRES-FEUILLET, contre-téno

Curio : Adrien MATHONAT, baryton-basse

Choeurs Unikanti (Gaël DARCHEN)

Orchestre de l'Opéra National de Paris. 

Direction et clavecin : Harry BICKET 

Mise en scène et costumes : Laurent PELLY 

Décors : Chantal THOMAS 

Lumières : Joël ADAM 

Dramaturgie : Agathe MELINAND

          Reprise du spectacle de Laurent Pelly au Palais Garnier en ce début d'année. L'opéra Giulio Cesare de Georg Friedrich Haendel, dans lequel le contre-ténor Lawrence Zazzo et la soprano Nathalie Dessay, dans les rôles principaux, s’étaient distingués en 2011. Un spectacle qu'il est d'ailleurs possible de retrouver sur dvd. 

          L’opéra prend place dans les réserves d’un musée, dans lequel, statues et œuvres prennent soudain vie. Un procédé simple mais qui va permettre au spectateur d'être propulsé, d'un seul coup, en l'an 40 avant Jésus Christ et de revivre la fascinante aventure de Cléopâtre et Jules César, affublés de leurs costumes d'époque : toges, armures, boucliers, etc... Les techniciens et ouvriers du musée vont et viennent sur scène en déplaçant statues, toiles de maîtres et autres œuvres d'art. Ils n’ont pas conscience du drame qui se déroule à leur insu et vice versa. On apprécie alors les touches d’humour qui ponctuent tout le spectacle: les statues qui chantent, Cleopatra qui bloque un chariot que les ouvriers ne parviennent plus à pousser sans en comprendre la raison, les traces de doigts ou de mains qui apparaissent soudainement sur des vitrines à peine finies d'être nettoyées ce qui agace des ouvriers perplexes, Cleopatra poussée sur un diable, etc… On s’en amuse et l’on en rit de bon cœur. Le décor impressionne par sa monumentalité (la gigantesque statue couchée de Toutânkhamon sur laquelle Cleopatra fait une entrée magistrale) et le passage à des décors et costumes type XVIIIe siècle au deuxième acte plaît. Certes, la mise en scène imaginée par Laurent Pelly fonctionne plutôt bien, mais passée la moitié de l'opéra, l’ennui nous gagne, lassés de la redondance d’un spectacle qui a du mal à se relancer, à offrir de nouvelles idées et surtout qui manque cruellement de drame théâtral.

          Côté distribution, nous retiendrons surtout l’éclatante Cleopatra de Lisette Oropesa. Le crémeux d’une voix aux couleurs multiples, une voix uniforme qui reste jolie sur toute la tessiture, un léger vibrato plein d’emotion, rendent son personnage exquis. Une artiste fascinante qui brille visiblement dans tous les répertoires qu'elle aborde et qui commence à collectionner les grands rôles haendéliens. En effet, après une tournée ainsi qu'un enregistrement du rôle de Theodora, elle a enchaîné, avec brio, le rôle d’Alcina à Londres. Une voix qui possède cet indéfinissable petit plus. 

          L’autre soliste qui nous a fait véritablement vibrer est la mezzo-soprano Emily d’Angelo dans le rôle de Sesto. L’intensité et la noirceur peu communes d’un timbre rare apportés à ce rôle juvénile, en font un Sesto de luxe. Nul doute qu’elle chantera bientôt le rôle titre de cet opéra. Elle aussi, collectionne depuis quelques années les rôles haendéliens : Ariodante à Paris, Ruggiero (Alcina à Londres), Serse à Pampelune, etc...

          Gaëlle Arquez, dans le rôle de Cesare possède, en plus d’une projection généreuse et d’un timbre séduisant, le panache et la ferveur nécessaires pour aborder brillamment le plus grand rôle créé par il Caro Sassone, mais son personnage demeure, somme toute, féminin (malgré une présence scénique absolument crédible).

          Nous avons également apprécié la Cornelia bien chantante de Wiebke Lehmkuhl, particulièrement touchante dans son grand duo avec son fils Sesto ‘Son nata a lagrimar’. 

          Contraint de forcer la nature d'une voix pas vraiment destinée aux rôles de tyrans, Iestyn Davies s´en sort étonnamment bien. Toutefois, il ne possède pas la véhémence vocale et scénique d’un Christophe Dumaux. 

          Luca Pisaroni, dans le rôle du tyran amoureux, s’acquitte avec panache de sa partie. Quant à Rémy Brès-Feuillet dans le petit rôle de Nireno, il est franchement désopilant et marquant dans un show irrésistible avec son unique air ‘Chi perde un momento’. Décidément, ce contre-ténor semble devenir incontournable depuis quelques années (les concerts ‘Battle’ avec Jean-Christophe Spinosi, Flavio à Bayreuth, etc…). 

          Reste le tout petit rôle de Curio interprété par le baryton-basse Adrien Mathonat : tout simplement excellent !

          Un spectacle bien appréciable mais qui ne passionne pas pour autant et qui n'a pas été aidé par la direction propre et lisse mais sans passion ni théâtralité d'Harry Bicket.


          A noter que l'opéra arbore une durée généreuse de 4h15 (deux entractes inclus), mais il fait tout de même l'impasse de quelques airs importants tels que celui de Cesare ‘Quel torrente’, celui de Sesto ‘L’aura che spira’, celui d’Achilla ‘Se a me non sei crudele’ ou bien encore le sublime ‘Tu la mia stella sei’ de Cleopatra.

                                                                                                Ruggero Meli