PARIS : RAMEAU Les Fêtes d'Hébé 15.XII.2024

Quand la politique s'invite à l'opéra

Paris, Opéra Comique, Vendredi 13 novembre 2024, 20h

Jean-Philippe RAMEAU : Les Fêtes d’Hébé 

Opéra-ballet en trois entrées et un prologue, sur un livret d’Antoine Gautier de Montdorge. Créé à l’Académie royale de musique le 21 mai 1739.


Choeur et Orchestre Les Arts Florissants

Direction musicale : William Christie

Mise en scène : Robert Carsen

Décors et Costumes : Gideon Davey

Lumières : Robert Carsen et Peter van Praet

Chorégraphie : Nicolas Paul

          Transposition contemporaine plutôt heureuse par les soins du metteur en scène Robert Carsen : originale, pétillante et désopilante qui va réserver de très bonnes surprises mais aussi quelques moins bonnes. Alors qu’Hébé, la déesse de la jeunesse, est déchue de l’Olympe, elle est revigorée par l’Amour qui lui vante les joies terrestres à vivre sur les bords de Seine. Robert Carsen a planté le cadre de son spectacle au palais de l’Élysée où une réception a lieu. Hébé, qui rempli les verres des convives, trébuche et renverse un jus de tomate sur le manteau blanc de Brigitte Macron. Son mari, Jupiter, répudie sur le champ la serveuse éplorée. Cette dernière va vite se consoler et s’encanailler sur terre. Elle va découvrir les plaisirs des selfies, les promenades en bord de Seine à vélo, les joies du football et fêter la victoire hypothétique de l’équipe de France, le bal musette et le hip hop et enfin la balade en bateau mouche avec un passage en revue, magnifique, des immeubles parisiens qui bordent la Seine. Des décors réalistes et au charme fou pour finir en apothéose sous la sublime et scintillante Tour Eiffel et sous un feu d’artifice plus vrai que nature. Le public en prend plein les yeux et le divertissement est total.

          Pourtant, n’aurait-on donc rien d’autre à proposer de plus subtil et de raffiné à ces Dieux, que le foot, la bière et le hip hop un brin vulgaire ? Tout ça fonctionne mais la facilité et le superficiel vont bon train. Passer 20mn à se prendre en selfie finit par lasser, d'autant que cette séance photographique reprend plus loin dans le spectacle. Même si la chorégraphie fonctionne du tonnerre, les dribbles, passes, et autres figures footballistiques, sans ballon, ne sont-ils pas de bien piètres joies terrestres ?

          Renato Dolcini marque cette représentation en matinée de sa voix solide. Sa présence physique et vocale impressionne. Marc Mauillon fait briller avec panache son séduisant timbre de baryton à l'aide d'une insolente projection. Son jeu inattendu de DJ en bad boy séducteur fonctionne du tonnerre. 

Lea Desandre, caméléon, tantôt en mariée, en fêtarde nocturne ou en régisseuse de plateau, nous comble de son brillant mezzo. Elle rivalise même de grâce et de technique corporelle avec les danseurs professionnels. Son omniprésence (3 rôles) a comblé le public. Enfin, Emmanuelle De Negri, dans le rôle titre, fait valoir son timbre fruité et s'impose  en séductrice, photographe ou en capitaine du bateau mouche. 

Même avec seulement quelques interventions, le timbre de haute-contre unique et si séduisant de Cyril Auvity se savoure avec délice. Enfin, Ana Vieira Leite, qui incarnait l'Amour tentateur en pin-up excessive, convainc mais son soprano manque décidément de charme. 

Les tous petits rôles restants ont été très bien défendus par Lisandro Abadie, Antonin Rondepierre et Matthieu Walendzik

          Bref, un spectacle festif et léger, voire pétillant, qui emporte le public dans une sorte de féerie de Noël. En tous cas, Robert Carsen s'est montré bien plus inspiré ici que dans sa Clemenza di Tito à Salzbourg. 

                                               Samuel Passetan

William Christie dirige Les Fêtes d'Hébé à l´Opéra Comique
Marc Mauillon et Ana Vieira Leite
Lea Desandre
Lea Desandre, Cyril Au ity & Renato Dolcini.
Marc Mauillon 
Photos © Vincent Pontet