JULY 2019

NAMUR

Eglise Saint-Loup

HANDEL SAUL on 04 July 2019 ★★★★☆

  • Saul / Samuel : Christian Immler, bass ★★★★★
  • David : Lawrence Zazzo, countertenor ★★★★☆
  • Jonathan : Samuel Boden, ténor ★★★★☆
  • Merab : Katherine Watson, soprano ★★★☆☆
  • Michal : Ruby Hughes, soprano ★★☆☆☆
  • High Priest / Witch of Endor : Maxime Melnik, tenor ★★★★☆
  • Abner / Amelekite : Kamil Ben Hsain Lachiri, baritone ★★★★☆
  • Doeg : Sergio Ladu, baritone ★★★★☆
  • Soprano aria : Gwendoline Blondeel, soprano ★★★★☆

CHOEUR DE CHAMBRE DE NAMUR

MILLENIUM ORCHESTRA

Conductor: : LEONARDO GARCIA ALARCON

Il y a des œuvres baroques magiques. Saul en fait incontestablement partie. Certainement l'une des plus belles pages de la plume de Haendel, très inspiré pour l'occasion, avec sa variété d'instruments solos, un rôle-titre atypique, des airs d'une beauté inégalée comme le "Oh Lord, whose mercies" accompagné de sa harpe, des chœurs grandioses et une fin d'une rare émotion. Leonardo Garcia Alarcon et toute son équipe nous l'ont magistralement bien rendu en version de concert à l'église Saint-Loup de Namur.

Il faut dire que la distribution était de grande qualité, surtout côté messieurs. A commencer par le rôle-titre, brillamment incarné par un Christian Immler sans faille: son timbre suave et solide, sa projection, son interprétation tourmentée ainsi que son implication forcent l'admiration. Saul est un rôle souvent mal/sous distribué de part les interventions limitées du personnage. La richesse des couleurs et des sentiments qu'il requiert nécessite au contraire un baryton-basse de premier ordre qui sache, en plus de tout le reste excellemment vocaliser ce qui est le cas du chanteur allemand. On est comblé pour une fois.

La cause de tout son tourment n'est autre que David, incarné par Lawrence Zazzo, idéal dans le rôle: sa voix masculine pour un contre-ténor, qui confère une certaine virilité à son personnage est sa première qualité. Sa grande projection en est une autre. Mais ce sont bien ses délicats pianissimi qui font frissonner dans les moments les plus émouvants. Seules quelques vocalises mal exécutées sont à déplorer.

Son ami (amant?) Samuel Boden quant à lui, affiche un timbre de ténor de toute beauté et un délicat phrasé. Son Samuel sensible et ambiguë touche le cœur et l'esprit. Seule la projection fait défaut.

Katherine Watson s'acquitte honnêtement de sa partie. Sa voix longue lui permet de couvrir toute la tessiture du rôle de Merab, ce qui n'est pas toujours le cas et ainsi d'exprimer toute l’ambiguïté du personnage, trop souvent cantonné à son côté obscur, il s'agit bien d'un personnage bien plus complexe et sensible, en témoigne sa "prière": "Father of peace".

Reste le cas de la soprano Ruby Hughes, à la voix instable dont certaines raucités ternissent quelque peu la fraîcheur du personnage Michal. Son duo avec le contre-ténor était cependant particulièrement réussi.

Tous les "petits" rôles ont été admirablement bien distribués et interprétés. Mention spéciale pour la soprano Gwendoline Blondeel qui s'est distinguée dans son air "An Infant rais'd". Impressionnant Maxime Melnik notamment dans son rôle de la sorcière, bien sonore et délicieusement détestable. Surprise de fin : le récitatif qui précède le chœur final s'est transformé en air "Ye men of Judah", une variante que Haendel a composée mais que seule une version au disque propose, celle de Martini chez Naxos.

Une fois de plus, le chœur de Namur a fait montre de toutes ses qualités qui, malgré son manque d'effectif (parfois couvert il est vrai par l'orchestre), a su restituer toute la force dramatique et la grandeur nécessaires.

Il est à noter que presque tout le rôle d'Abner a été coupé. De plus, le chef a modifié le dernier solo avec chœur du contre-ténor en y ajoutant la voix de Michal, décuplant ainsi la force émotionnelle de cet instant solennel sur lequel le temps s'arrête "Oh fatal day!".

L'an passé, le chef Alarcon nous avait convié à un magnifique Samson à ce même festival. L'an prochain il sera à Aix-en-Provence en cette période mais on nous parle peut-être d'une Semele en 2021.


BEAUNE

Cour des Hospices

HANDEL SERSE on 19 July 2019 ★★★★★

  • Serse Arianna Vendittelli, soprano ★★★☆☆
  • Arsamene Lawrence Zazzo, countertenor ★★★★☆
  • Amastre Delphine Galou, mezzo-soprano ★★★★★
  • Romilda Ana Maria Labin, soprano ★★★★★
  • Atalanta Sunhae Im, soprano ★★★★☆
  • Ariodate Luigi De Donato, bass ★★★★★
  • Elviro Riccardo Novaro, baritone ★★★★★

ORCHESTRE ACCADEMIA BIZANTINA

Conductor : Ottavio DANTONE

Après avoir tourné en Italie dans 3 théâtres différents, dans une production pas très convaincante, l'excellent Ottavio Dantone et son Accademia Bizantina reprennent l'opéra Serse de Haendel en version de concert dans la cour des Hospices du Festival de Beaune avec bonheur.

En effet, débarrassé de toute mise-en-scène, ce Serse a gardé le meilleur: l'engagement (scénique) de solistes, qui pour la plupart, faisaient déjà partie de la distribution italienne. A commencer par la mezzo-soprano Arianna Venditelli et sa généreuse voix, qui a su donner le meillleur d'elle même aux moments clés comme lors de son air "Crude furie" qui a fait sensation. Il faut cependant admettre que son interprétation laisse paraître des pointes féminines dommageables au rôle.

La surprise est venue de la soprano Ana Maria Labin, qui confère au rôle de Romilda une dimension de tragédienne, dont on n'a peu l'habitude notamment dans son récitatif et air "L'amero?...E gelosia", le tout chanté avec une force émotionnelle contenue et subtile, sans jamais donner la moindre impression d'efforts. Admirable !

Et que dire du personnage d'Amastre, l'amante oubliée de Serse, qui vient constamment perturber tout ce beau monde derrière son déguisement masculin ? La fougue, l’impeccable abattage des vocalises ainsi qu'un timbre enjôleur font de Delphine Galou un personnage meurtri et vengeur de rêve !

Lawrence Zazzo, quant à lui, campe un Arsamene de grande classe avec son sens du drame, son tempérament incandescent, une voix admirablement projetée et une clarté du texte bien appréciable. Il faut dire que ce personnage lui colle à la peau depuis fort longtemps? On se souvient encore de son interprétation au Théâtre des Champs Elysées aux côtés d'Anne Sofie Von Otter en Serse en Novembre 2003 (disponible sur cd). Seules quelques vocalises font défaut, heureusement il y en a peu dans ce rôle.

Quelle bonne idée d'avoir distribué la démoniaque Sunhae Im dans le rôle d'Atalante, bien mieux à sa place dans ce rôle que dans celui de Romilda, interprété dans ce même lieu 5 ans plus tôt ! Ce rôle d'intrigante séductrice lui sied à merveille. On retiendra surtout son air "Un cenno leggiadretto" facétieux et délicieusement sensuel qui fait mouche auprès d'un public fasciné.

Reste les voix viriles d'Ariodate et d'Elviro. Le premier est merveilleusement interprété par Luigi De Donato dont le timbre envoûtant élève son personnage secondaire au premier plan. Quelle prestance ! Quant au second, le baryton-basse Riccardo Novaro, c'est un Elviro de grand luxe qui nous est offert !

Une distribution de grande qualité donc, élégamment soutenue par une Accademia Bizantina assurée ainsi que par son chef charismatique et inspiré Ottavio Dantone. Le tout joué dans des conditions de rêve : la cour des hospices à l'acoustique généreuse.