Midsummer Festival, Château d'Hardelot 20-29. VI.2024 : L'émerveillement

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           Chaque année, fin juin, le château d'Hardelot célèbre l'arrivée de l'été au son de la musique baroque. Ce festival au nom poétique inspiré par Shakespeare et sa pièce A Midsummer Night's Dream explore les liens musicaux qui unissent la France et la Grande-Bretagne. Il se déroule au sein du magnifique théâtre élisabéthain en bois édifié au pied des murailles du château et accueille les plus brillants artistes de la scène baroque actuelle dans une ambiance conviviale, détendue et d'amour pour la musique en général. Dans ce cadre idyllique et enchanteur, le public a la possibilité de profiter, en plus des concerts, des somptueux jardins attenants au château, ou de promenades autour du lac pour y admirer la faune et la flore de la région, du passionnant musée dédié à l'histoire du château, ou des expositions temporaires comme celle de l'an dernier, fascinante, des portraits élisabéthains placés sous le signe du conte de fée au travers de l’imaginaire fantasque de Benjamin Lacombe (à voir absolument). 

          Lieu magique donc, qui permet d'assister à des concerts, en intérieur comme en extérieur, en pleine journée mais aussi à la nuit tombée, tranquillement allongés dans des chaises longues, face aux remparts. Le clou du spectacle étant le théâtre élisabéthain lui-même : petit bijou d´architecture tout en rondeur et tout de bois, il favorise l'intimité des concerts et la proximité avec des artistes de renom, tout en offrant une acoustique idéale. Mais les prix des places de concerts alors ? Et bien, ils sont tout bonnement dérisoires : 20€ la place pour Acis and Galatea ! On croit rêver. 

Affiche du Midsummer Festival 2024
Le théâtre élisabetain du Chäteau d'Hardelot

Carmen de Bizet, opéra paysage itinérant, Château d'Hardelot 21.VI.2024 20h30

Une Carmen faussement légère

WEEK END 1 

VENDREDI 21 JUIN 20h30 

Opéra paysage itinérant 

CARMEN 

D’après l’œuvre de Georges Bizet 

Compagnie Maurice et les autres 


Anaïs Bertrand - Carmen 

Martial Pauliat - Don José

Jean-Christophe Lanièce - Escamillo / Morales

Igor Bouin - Zuniga 

Pauline Leroy - Mercedes

Agathe Peyrat - Frasquita

Jeanne Desoubeaux - Lillas Pastia 


Solène Chevalier - Violoncelle

Vincent Lochet - Clarinette

Flore Merlin - Piano


Mise en scène Jeanne Desoubeaux 

Direction musicale Jérémie Arcache et Igor Bouin 

Assistanat à la mise en scène Louise Moizan 

Scénographie / espace / habillage Cécilia Galli 

Costumes Alex Costantino assisté de Nathalie Matriciani 

Maquillages Anne Kuntz 

Régie générale Paul Amiel 

Création et régie son François Lanièce 

Régie plateau Redha Medjahed 

Création lumière Thomas Coux 

Administration / Production Léonie Lenain 

Attachée de production Blanche Rivière 

Quelques photos du spectacle de la Carmen de Bizet 

          Une Carmen revisitée au sein d'un spectacle irrésistiblement truculent, innovant et frais mais tellement émouvant.

          Une introduction théâtrale inattendue et décapente : une leçon participative de self défense qui s’adresse aux femmes. Le rapport avec Carmen ? Il prendra tout son sens à la fin de l’opéra : une fin foudroyante par sa violence. Carmen est traînée par les cheveux et terminée à coups de poings pendant qu’Escamillo sort exsangue de l’arène. 

Mais avant cette fin bouleversante, Jeanne Desoubeaux proposait au public du Midsummer Festival d’Hardelot, un irrésistible spectacle participatif, avec applaudissements, gestuelles chorégraphiées, et airs à chanter. Mais aussi itinérant : un public baladé sur trois lieux différents. Ce ne sont pas les décors qui changent mais le public qui va à la rencontre des décors. D’abord installé face au mur de l'enceinte du château, qui nous renvoie le son de la manufacture de tabac, le public est ensuite mené chez Lillas Pastia, taverne en extérieur où on lui sert un rafraîchissement. Enfin, il prendra place au sein du théâtre Élisabéthain dans lequel une arène a été installée en son centre. 

En plus d’être bien chanté, l’opéra est une réussite par le jeu absolument irrésistible des acteurs (inoubliables grimaces d’Igor Bouin) et leur humour décalé. 

Un concept qui aurait pu facilement tomber dans le mauvais goût et dénaturer le chef d’œuvre de Bizet mais qui a su trouver le juste équilibre entre respect de la partition, réécriture pour quelques instruments, humour décalé 

Côté costumes, nous retiendrons surtout celui du toréador qui a suscité un émoi géneral : une combinaison extrêmement “moule-sexe” de catcheur et la traditionnelle veste courte du torero.  

Difficile de distinguer l’un ou l’autre des chanteurs tant la cohésion et le travail de groupe constituent une force expressive commune. Citons, tout de même, la Carmen bien chantante d’Anaïs Bertrand, l’impressionnant potentiel vocal, d’abord insoupçonné, du ténor Martial Pauliat. Mais le frisson est venu de l'éclatante prestation du baryton Jean-Christophe Lanièce aux aigus resplendissants. 

Un régal de Carmen.

                                           Ruggero Meli

Haendel Acis and Galatea, Ensemble Masques 22.VI.2024 20h30

La touchante Galatea de Rachel Redmond 

SAMEDI 22 JUIN 20h30 | Opéra en concert 

THÉÂTRE ÉLISABÉTHAIN du Chäteau d'Hardelot

ACIS AND GALATEA

Musique de George Frederic Handel, texte de John Gay d’après Ovide 


Galatea, Rachel Redmond 

Acis, Hugo Hymas 

Polyphemus, Tomas Kral 

Damon, Philippe Gagné 

Ripieno, Marie Pouchelon


Ensemble Masques 

Direction musicale, Olivier Fortin 

           Décidément le château d’Hardelot entretient un faible pour la pastorale de Georg Friedrich Haendel : Acis and Galatea. En effet, le Midsummer festival l’avait déjà programmé en 2013. Une vidéo avait d’ailleurs circulé, dans laquelle nous découvrions les prémisses de la sublime soprano Sophie Junker dans le rôle de Galatea. En cette soirée du samedi 22 juin 2024 dans le tout petit mais somptueux théâtre Élisabéthain d’Hardelot, c’est la sémillante Rachel Redmond qui interprétait le rôle en y apportant sa fraîcheur, sa candeur mais aussi son émotion notamment dans l’air déchirant ‘Must I my Acis still bemoan’, après que son Acis a été écrasé par le rocher que le cyclope Polypheme lui a lancé. 

Hugo Hymas, quant à lui, prêtait sa séduisante voix de ténor au berger Acis. Malheureusement, l’artiste semblait comme absent : contrarié, malade ou en méforme ? Son implication relative et sa voix qui détimbrait parfois ont mis en péril son rôle et notamment son grand air, le très virtuose et redoutable ‘Love sounds the alarm’ don’t il a eu du mal à en venir à bout. Sans parler du duo ‘Happy we’ qu’il a chanté avec une certaine indolence et sans jamais regarder sa partenaire pourtant solaire. Pressé d’en découdre, il a précipitamment quitté 

la scène dès qu’il en a eu la possibilité. 

Saluons, en revanche, l’engagement de l’autre ténor de la soirée, Philippe Gagné, dans le rôle de Damon. Un rôle qui aurait mérité un peu plus de délicatesse et de lâcher prise. Bon ténor au demeurant, il vient à bout des vocalises infinies de l’air ‘Shepherd, what art thou pursuing?’.

Coutumier du rôle, Tomas Karl dans le rôle du cyclope, offre au public d’Hardelot un show irrésistible en occupant toute la scène, et en amusant le public. Ses deux airs, fort réussis au demeurant, manquaient cependant de notes graves. Le rôle fonctionne tellement mieux avec une vraie basse. 

Enfin, Marie Pouchelon prêtait main forte aux parties chorales de la partition, de son timbre chaud et sombre. Le chœur qui a suivi la mort d’Acis était particulièrement saisissant et a constitué l’un des highlights de la soirée.  

Tous ces artistes étaient soutenus par les forces de l’ensemble Masques, en nombre restreint (on aurait aimé un peu plus de consistance sonore avec quelques violons supplémentaires) ainsi que de leur très inspiré chef Olivier Fortin.

                                        Ruggero Meli

Quelques photos de la version de concert de la pastorale Acis & Galatea de G. F. Haendel.  

Romy Pétale, 22.VI.2024 22h30

Irrésistible !

SAMEDI 22 JUIN 22h30 | L’after, JARDIN D’HIVER 

ROMY PÉTALE 

Auteur compositeur interprète, Martial Pauliat 

Direction artistique, Jérémie Arcache 

Mise en scène, Jeanne Desoubeaux 

Son, Nicolas Widmer 

Lumières, Thomas Coux 

Costume / Stylisme, Alex Costantino 

DURÉE : 1H | GRATUIT SUR RÉSERVATION

          Le grand plus du festival réside dans ses ‘afters’ avec des artistes et des programmes décalés. Quelle belle découverte que celle de l’artiste Martial Pauliat, alias Romy Pétale, qui a réalisé un one man show au piano et soutenu par une bande sonore, dans des airs tout aussi improbables que sa tenue, notamment une chanson qui contait le triste sort d’un clavecin laissé à l’abandon contre un mur. Le tout chanté avec une voix séduisante et bouleversante. Humour et dérision au rendez-vous mais le tout avec talent.

                                       Ruggero Meli

Chevaliers et Enchanteresses, Château d'Hardelot 28.VI.2024 20h30

Virtuosité et splendeurs

VENDREDI 28 JUIN 20h30 | Concert, THÉÂTRE ÉLISABÉTHAIN

CHEVALIERS ET ENCHANTERESSES 

Airs et duos de Haendel 

Ensemble Les Accents 

soprano, Lauranne Oliva 

contre-ténor, Christophe Dumaux 

Violon et direction, Thibault Noally 


Programme : 

George Frederic HANDEL 

Fammi combattere – Orlando 

Ama e sospira - Alcina 

Sonata a cinque HWV288 

Tornami a vagghegiar – Alcina 

Se in fiorito prato - Giulio Cesare 

Io t’abraccio - Rodelinda 

Vadoro Pupille - Giulio Cesare 

Caro, Bella - Giulio Cesare 

Nicolas PORPORA Tu spietato non farai - Iphigenia in Aulide 

          Concert absolument unique et passionnant au Midsummer Festival d’Hardelot en ce vendredi 28 juin dans le cadre intimiste et enchanteur du théâtre élisabéthain. C’est donc avec le sentiment d’être particulièrement choyé que le public aborde ce concert. Deux talentueux artistes lyriques au programme de ce concert baroque : Lauranne Oliva, soprano et Christophe Dumaux, contre-ténor. Ils se distinguaient dans des airs et duos de Haendel et Porpora. Deux artistes qui se connaissent bien suite à une récente tournée avec le Stabat Mater de Pergolèse. D'ailleurs ce concert est interprété avec le même ensemble et chef de la dite tournée, en l’occurrence les excellents Les Accents et le brillant violoniste Thibault Noally à leur tête. 

Lors de cette tournée, nous avions pu constater une certaine différence de niveau entre les deux solistes : Lauranne Oliva, jeune soprano encore bien sage et pas aussi expressive et vibrante que l’excellence artistique du contre-ténor Christophe Dumaux. Avec ce programme d’airs et duos d’opéras, moins intimiste donc, le décalage s'est quelque peu atténué. En effet, le programme constitué d’airs baroques avec da capo invite la soprano à se montrer plus audacieuse et à s’impliquer davantage. Grâce à sa formation bel cantiste, ses capacités vocales lui permettent d'offrir au public de belles cadences et da capo fort intéressants et périlleux comme dans l’air de Morgana tiré de l’opéra Alcina ‘Tornami a vagheggiar’. Ce ne serait pas lui faire offense que de dire qu'elle est encore une soprano en devenir et qu’elle possède encore des marges de progression. 

          Il faut dire que face à elle, se trouvait le surdoué des contre-ténors : un Christophe Dumaux encore injustement méconnu (surtout en France), et au talent fou. D’aucuns pourraient justement déplorer son timbre quelque peu métallique mais sa technique et ses capacités vocales le placent aisément encore et toujours parmi les meilleurs contre-ténors actuels. Une virtuosité sans faille dont les vocalises notamment vous font tourner la tête, des trilles à se damner, des cadences stratosphériques (air de Porpora), une aisance scénique confondante, une voix virile et percutante accompagnée d’un volume généreux, une expressivité et une sensibilité à fleur de peau. Bref, on frise la perfection. Signalons que contrairement à la soprano, il est très familier de ces airs pour les avoir chantés sur scène ou en concert de nombreuses fois. 

          Le duo amoureux entre Cleopatra et Cesare était particulièrement savoureux avec un Christophe Dumaux qui nous a semblé volontairement en retrait lors de la cadence finale comme par galanterie, laissant sa partenaire briller. Un duo repris d’ailleurs en bis. 

          Un concert de haute volée magnifié par les musiciens de Les Accents en nombre restreint mais impeccables et très impliqués et la direction soignée et vivace du violoniste virtuose Thibault Noally

                                                                                                     Ruggero Meli

Lauranne Oliva, soprano
Christophe Dumaux, contre-ténor
Ensemble Les Accents et Thibault Noally au violon et à la direction © Remi Angeli