Haendel : une jeunesse romaine. Les princes et les cardinaux
De cantates profanes en pages sacrées pour les palais et églises de la cité pontificale, le jeune Saxon au service d’un clergé mécène des arts.
Deux concerts pour illustrer cette thématique, l’un à 11h30, l’autre à 16h30.
Festival de St. Michel. Abbaye de Saint-Michel-en-Thiérache, le dimanche 6 juillet 2025 à 11h30
Georg Friedrich Haendel (1685 - 1759) : cantate 'Armida abbandonata' HWV 105
Arcangelo Corelli (1653 - 1713) : Sonate pour deux violons et basse continue op. 2 n° 6
Georg Friedrich Haendel (1685 - 1759) : cantate 'Agrippina condotta a morire' HWV 110
bis : 'Lascia ch'io pianga' (Rinaldo)
Dorine Mortelmans, soprano
Le Pavillon de Musique,
Ann Cnop, direction et premier violon
Dorine Mortelmans soprano à découvrir
La programmation du festival de St. Michel réserve souvent des surprises et ou des découvertes comme c’était le cas en ce dernier dimanche du festival avec l’ensemble belge Le Pavillon de Musique sous la direction de la violoniste Ann Cnop. En formation réduite (quatre instruments), ils proposaient deux grandes cantates profanes et dramatiques de Haendel entrecoupées d’un concerto de Corelli.
Signalons que trois jours avant la date du concert, l’ensemble a dû faire face à la défection de leur soprano Jana Pieters, subitement tombée malade. Comme toujours dans ces cas-là, il faut compter sur un miracle et ce dernier est venu de la soprano belge Dorine Mortelmans qui a bien voulu relever ce défi. Un défi d’autant plus grand que la chanteuse, qui vient plutôt du répertoire mozartien, est peu coutumière, apparemment, du répertoire baroque. Pourtant, disons-le d’emblée, la soprano belge a su tirer son épingle du jeu. Certes, la tension et le stress étaient palpables au début du concert et l’ambiance un peu froide, mais les artistes sont parvenus à s’apaiser au fil du concert et même s’épanouir en rendant notamment plus vibrante la seconde cantate : ‘Agrippina condotta a morire’.
On passera aisément sur un oubli dans l’air ‘Venti, fermate’, un peu moins sur des notes graves un brin pâlichonnes. En effet, Dorine Mortelmans a dû faire face à une partition un peu basse pour sa voix. Mais elle a pu faire valoir la partie haute de sa voix ainsi que les couleurs et la richesse de son timbre. Saluons aussi une voix particulièrement confortable dans le médium, partie absolument sollicitée et nécessaire pour rendre justice à ces cantates. Mention spéciale pour son air ‘In tanti affani’ : délicat, ciselé et empreint d’émotion. Ajoutons à cela le sens du drame dont elle a fait preuve notamment dans la seconde cantate. Elle s’est même offert le luxe de s’affranchir de sa partition rendant ainsi ses récitatifs plus dramatiques et percutants encore. Ainsi, l’artiste a su donner vie à ces deux figures tragiques que sont Armide et Agrippina et théâtraliser un texte particulièrement brûlant. Deux femmes sur lesquelles Haendel reviendra puisqu’il composera deux opéras l’un intitulé Agrippina, l’autre Rinaldo dans lequel l’un des personnages sera Armida.
L’ensemble Le Pavillon de Musique sous l’impulsion forte d’Ann Cnop a offert un écrin de qualité à la chanteuse. Il nous a même réservé une petite devinette en interprétant une sonate au style baroque bien français dont nous n’aurions pas pu identifier le compositeur : un italien du nom d’Arcangelo Corelli.
Pour finir, les artistes nous ont offert le tube absolu du Caro Sassone ‘Lascia ch’io pianga’. Un régal !
Ruggero Meli
Festival de St. Michel. Abbaye de Saint-Michel-en-Thiérache, le dimanche 6 juillet 2025 à 16h30
Georg Friedrich Haendel (1685 - 1759) :
ouverture HWV 336
cantate sacrée pour soprano 'Donna che in ciel' HWV 233
motet 'Dixit Dominus' HWV 232
Marlène Assayag, soprano
Natalie Perez, mezzo-soprano
Anthea Pichanick, contralto
Antonin Rondepierre, ténor
Nicolas Brooymans, basse
Les Accents
Thibault Noally, direction et premier violon
Deux bijoux de Haendel. L'un méconnu, l'autre populaire
Quant au concert de l’après-midi, il allait nous réserver bien des émotions. En effet, le dynamique chef et violoniste Thibault Noally accompagné de son ensemble Les Accents nous proposait deux pièces sacrées très différentes mais au style musical similaire : une cantate sacrée mariale très rarement interprétée suivie de l’incontournable motet de Haendel et son Dixit Dominus. C’est à la mezzo-soprano Natalie Perez que l’on a confié le soin d’interpréter la cantate ‘Donna che in ciel’. Un petit bijou de composition qui se termine en apothéose et d’une manière totalement inattendue. En effet, un chœur entre soudain en matière, et ce uniquement durant quelques minutes, dans le dernier mouvement de l’oeuvre ‘Maria salute e speme’ alors que l’on pouvait légitimement penser qu’il s’agissait d’une cantate pour voix solo. Une fin tonique et brillante parcourue de vocalises échevelées sur un rythme scandé qui mène le spectateur tout droit au frisson. Un succès auquel la soliste Natalie Perez a largement contribué de sa voix intermédiaire (ni vraiment soprano, ni vraiment mezzo-soprano, à l’image de ces chanteuses difficilement classables telles que Cecilia Bartoli, Julia Lezhneva, Ann Hallenberg, ou Magdalena Kozena). Une voix idéale en tous cas pour couvrir la tessiture longue de la partition et le velours d’un timbre qui a mis en valeur l’air ‘Tu sei la bella serena stella’. A noter que la chanteuse, visiblement en attente d’un heureux événement, semblait parfois manquer de souffle.
Après ce petit miracle de partition, les artistes ont enchaîné avec une interprétation du Dixit Dominus enlevée et vivifiante sous l’impulsion d’un Thibault Noally survolté et passionné. Avec peu d’instruments, ils parviennent à un résultat de grande qualité notamment lorsque la basse continue entre en action et fait le show qui introduit le dernier mouvement du motet ‘Gloria patri’.
Dommage que les parties solistes aient été chantées depuis l’arrière de l’orchestre. La qualité sonore en a pâti, tout comme les parties chorales, très importantes dans cette œuvre magique de Haendel. Tout auditeur coutumier de l’œuvre est habitué à un volume sonore plus généreux de par l’utilisation d’un grand chœur. La version que proposait le chef était un chœur constitué de cinq solistes. Une méthode qui se reprend de plus en plus depuis l’initiative et le séisme que provoqua la théorie de Joshua Rifkin en 1981 qui expliquait que les parties chorales chez Bach étaient en fait constituées de solistes et non de larges chœurs. Une pratique qui a ensuite migré vers d’autres compositeurs tel que Haendel (il n’est plus rare d’entendre le Messie avec des solistes et éventuellement un ripieno). Cinq solistes de renom constituaient le chœur de ce Dixit Dominus. L’occasion et le bonheur de retrouver le velouté du contralto d’Anthea Pichanick pour ne citer qu’elle.
Il n’empêche que Thibault Noally et son équipe nous ont offert une version vibrante de ce chef d’œuvre.
A noter que l’année prochaine, le festival de St. Michel-en-Thiérache fêtera ses 40 ans et devrait nous réserver une programmation aux petits oignons ! A surveiller.
Ruggero Meli