Versailles, Mozart L’enlèvement du Sérail 22.V.2024
Wolfgang Amadeus Mozart
L'enlèvement du sérail (chanté en français)
Versailles, Opéra Royal, mercredi 22 mai 2024 à 20h, première
Opéra en trois actes sur un livret de Johann Gottlieb Stephanie, créé à Vienne en 1782. Traduction française par Pierre-Louis Moline (1739-1820), dramaturge et librettiste français. Nouvelle Production de l’Opéra Royal.
Florie Valiquette Constance
Mathias Vidal Belmont
Nicolas Brooymans Osmin
Gwendoline Blondeel Blonde
Enguerrand de Hys Pédrille
Michel Fau Sélim
Chœur et Orchestre de l’Opéra Royal
Gaétan Jarry Direction musicale
Michel Fau Mise en scène
Antoine Fontaine Scénographie
David Belugou Costumes
Joël Fabing Lumières
Laurence Couture Maquillages, coiffures et perruques
Sofiène Remadi Collaboration artistique à la mise en scène
Tristan Gouaillier Assistant mise en scène
Production déléguée Opéra Royal / Château de Versailles Spectacles. Coproduction Opéra de Tours Centre – Val de Loire. Création des costumes par l’atelier de l’Opéra de Tours et Corinne Pagé. Orchestre sur instruments anciens ou copies d’anciens, avec interprétation historiquement informée.
Ce programme sera enregistré en CD à paraître au label Château de Versailles Spectacles.
Les représentations des 23 et 25 mai sont captées par Camera Lucida pour une diffusion sur France Télévisions et un DVD à paraître au label Château de Versailles Spectacles.
Un conte digne des 1001 nuits
Spectacle entre rêve et réalité, entre bande dessinée et réalisme. Le spectateur passe aisément de la légèreté du conte des Mille et une Nuits d’Aladin et son tapis magique à des sujets plus brûlants actuels : le harcèlement de la femme et sa soumission à l’homme, la femme moderne qui se rebiffe et revendique sa liberté. L’homme macho est tourné en dérision. C'est une ode à la liberté.
Les couleurs sont chaudes et multiples tout comme les costumes flamboyants des choristes. Les décors sont simples et ingénieux à la fois. Belmont cherche le moyen de franchir la haute muraille des jardins du palais de Bacha dans lequel sa belle est emprisonnée. Une muraille qui prendra la forme d'un pont, celui du pont des soupirs peut-être, une fois que ses arches auront été élégamment ajourées. Suite aux évènements, Bemont et Constance sont contraints de se séparer : le pont se divise alors, de façon inattendue, en deux. La partie de droite glisse et disparait en coulisse en emportant Constance et laissant Belmont seul face à son désespoir. L'effet est saisissant.
Signalons également, le très joli salon oriental du sultan. Un salon protéiforme, tantôt intimiste, tantôt immense donnant lieu à un large espace complètement vide avec vue sur la mer au loin. Une prison qui donne faussement un sentiment de liberté pour mieux piéger les captifs sous l'effet notamment de la perspective : les murs se resserrent et le plafond s'affaisse, sous les yeux ébahis des spectateurs.
Enfin, mention spéciale à la tradition des ombres chinoises chez Mozart. Le travail réalisé dans ce spectacle surprend et on s'en amuse de bon coeur.
La mise en scène de Michel Fau, qui joue également le rôle du sultan, fonctionne à merveille et le spectateur passe un vrai bon moment de divertissement. D'autant que l'orchestre se montre particulièrement festif sous la direction tonique de Gaétan Jarry. Ensemble les sonorités orientales explosent et scintillent. De plus, la distribution réunie pour l'occasion nous a convaincu. A commencer par Florie Valliquette, qui de sa voix fraîche, claire et corsée fait de Constance une femme fragile et forte à la fois. Le timbre est divin et la pyrotechnie impressionne.
Son amant, Belmont, incarné par le ténor Mathias Vidal, peut s'enorgueillir d'une diction impeccable. Idéal dans le baroque français, le lyrisme Mozartien semble moins convenir à cette voix déclamatoire, ce qui a même tendance à exagérer l'aspect comico-ridicule de son personnage et ainsi desservir sa prestation. Légèrement à la peine dans les vocalises de son grand air du troisième acte, il réalise tout de même une belle performance.
Pédrille, interprété par le ténor Enguerrand de Hys aux moyens plus modestes que son confrère et une projection limitée s'acquitte tout de même de sa partie avec les honneurs.
Excellente, la Blonde de Gwendoline Blondeel : voix ronde, lumineuse et bien projetée.
Enfin, Nicolas Brooymans dans le rôle de Selim a marqué la soirée de sa voix caverneuse. Même s’il manquait d'un brin de volume, le timbre nous a envoûté.
Un spectacle très abouti et des artistes brillants qui nous ont fait passer par toutes les emotions. Un régal très applaudi et très bien accueilli par le public.
Après la Flûte Enchantée et cet Enlèvement du Sérail en français, il semblerait que l'Opéra Royal de Versailles veuille poursuivre un cycle d'opéras mozartiens dans notre langue. Il faut dire que le librettiste Pierre-Louis Moline ne s'est pas "contenté" de traduire le texte mais il l'a adapté au mieux à langue française. Le résultat s'avère très probant et c'est un plaisir de savourer ce texte.
Si d'aventure, vous avez manqué ce spectacle, pas d'inquiétude : cd, dvd et captation télé sont prévus.
Pierre de Pontois