Paris Théâtre des Champs-Elysées le vendredi 23 mai 2025 à 19h30
Georg Friedrich Haendel : Deborah, oratorio en trois parties, HWV 51 sur un livret de Samuel Humphries (1733).
Deborah : Sophie Junker, soprano
Jaël : Amelia Berridge, soprano
Barak : Jakub Jozef Orlinski, contre-ténor
Sisera : Sophia Patsi, mezzo-soprano
Abinoam: Wolf Matthias Friedrich, baryton-basse
Un héraut / Le Grand Prêtre de Baal : Kieran White, ténor
Le Grand Prêtre des Israélites : Donald Bentvelsen, baryton
Choeur et Orchestre Baroque d'Amsterdam
Direction : Ton Koopman
Une version frustrante
Après une version de l’oratorio Esther complètement déroutante l’an dernier en tournée, le chef spécialiste aborde cette fois la très rare Deborah de Haendel là encore dans une version largement remaniée et surtout écourtée. Le rôle de Jaël, à part quelques récitatifs, est complètement passé à la trappe et l'on ne reconnaît plus vraiment l’oeuvre.
Une version chambriste, avec un effectif orchestral et choral restreint, et une partition davantage resserrée sur le drame : fausse bonne idée. L'oeuvre perd en intensité. Pire, la puissance de l'oeuvre en est anéantie. L’an passé, Nicholas McGegan en donnait une version absolument magistrale avec des effectifs généreux et percutants à Göttingen et à Hanovre. L’œuvre nous était apparue éminemment martiale et flamboyante contrairement à la version sélectionnée par le chef Ton Koopman. BAROQUENEWS y était et avait pu en rendre compte.
Heureusement que le soprano salvateur de Sophie Junker est venu illuminer l’œuvre. Voix éclatante, l'artiste possède cette faculté de rendre passionnant tout ce qu'elle touche, en l'occurrence l’air 'Choirs of angels' ou bien le jubilatoire ‘The glorious son’ qui nous a fait un bien fou, ou encore le touchant arioso incantatoire 'In Jehovah awful sight'.
Le très populaire Jakub Jozef Orlinski
était également de la partie. Même s'il était bridé niveau acrobaties, il n’a pu s’empêcher de se tortiller sur sa chaise. Heureusement, sa voix nous a réservé de beaux moments tel que l’air, accompagné par le chef à l’orgue, ‘In the battle' mais l’emission de l'artiste manque franchement d’uniformité, et la qualité de son timbre varie bien trop souvent. A noter ses deux duos particulièrement réussis en compagnie de la soprano Sophie Junker.
Sans vraiment impressionner pour autant, la mezzo-soprano Sophia Patsi a fait preuve d'efficacité dans le rôle court du barbare Sisera.
A l’époque de Haendel, on disait de la basse Giuseppe Maria Boschi qu’il était toujours en colère, c’est l’impression que donnait le baryton-basse Wolf Mathias Friedrich sans pour autant posséder les qualités supposées de ce fameux chanteur. Même si sa voix, certes bien timbrée, possédait un indéniable punch, les limites techniques se sont vite manifestées : vocalises détimbrées et scabreuses notamment dans l'air ‘Swift inondation’. On aurait aimé entendre une basse dans le rôle d'Abinoam plutôt qu'un baryton-basse.
Trois solistes se sont partagés quelques récitatifs. Nous retiendrons surtout les interventions d'Amélia Berridge dans le rôle de Jaël, qui a fait son effet de sa voix fraîche et légère, ainsi que Kieran White dans le rôle d'un héraut et du Grand Prêtre de Baal, de sa voix solide de ténor.
Même si l'on était légitimement en droit d'attendre davantage de flamboyance de la part du Chœur Baroque d'Amsterdam, celui-ci n’a pas démérité pour autant et s’est même distingué dans ses deux Alleluia accompagnés de trompettes et percussions : ‘The great King of Kings' ou 'See the grand chief'. Notez que l'oeuvre pourrait aisément se classer parmi les pasticci du Caro Sassone. En effet, on ne compte plus les passages repris ou inspirés d'oeuvres antérieures, à l'image des deux choeurs cités ci-dessus, l'un tiré des Coronation Anthems, l'autre du Dixit Dominus.
Après les oratorios Esther et Deborah, Ton Koopman part cette saison en tournée avec l'oratorio Athalia.
Ruggero Meli