Opéra de Francfort, mercredi 25 juin 2025 18h
Georg Friedrich Haendel : Alcina HWV 34. Dramma per musica en trois actes sur un livret anonyme d’après Alcina delusa da Ruggiero d’Antonio Marchi inspiré d'Orlando furioso de Ludovico Ariosto et créé à Londres en 1735
Alcina : Monika Buczkowska, soprano
Ruggiero : Elmar Hauser, contre-ténor
Bradamante : Katharina Magiera, mezzo-soprano
Morgana : Shelén Hughes, soprano
Oberto : Clara Kim, soprano
Oronte : Michael Porter, ténor
Melisso : Erik van Heyningen, baryton-basse
Frankfurter Opern- und Museumsorchester
Direction : Julia Jones
Mise en scène : Johannes Erath
Décors et costumes : Kaspar Glarner
Vidéo : Bibi Abel
Lumières : Joachim Klein
Dramaturgie : Zsolt Horpácsy
Les stigmates d’un lendemain de fête qui laisse même entrevoir des ébats sexuels. Oronte récupère tous les vêtements abandonnés par les convives sur les canapés et tables dans ce que l'on imagine être un cabaret. Un lieu dans lequel Alcina a visiblement l’habitude d’y faire son choix et passer des nuits torrides. Les messieurs, une fois consommés, deviennent des êtres sans vie : ils n’ont plus de visage et errent tels des fantômes. Derrière ce cabaret, un rideau laisse soudain entrevoir, dans une atmosphère vaporeuse, un décor de salon et de chambre à coucher de facture moderne et baroque à la fois assez classieux qui accueille les personnages de cette nouvelle production imaginée par Johannes Erath. Des tons baroques sombres voire funestes soudain égayés par l’arrivée brillante et pittoresque du couple Morgana / Oronte, vraisemblablement préposés à divertir les convives en s'adonnant au Hula Hoop, ou en trimbalant des ballons de baudruche de toutes les couleurs. Quelques touches de magie viennent même ponctuer le spectacle comme le balai d’Oronte qui continue seul sa trajectoire ou des lumières qui s’allument ou s’éteignent d’un claquement de doigt.
Esthétiquement c’est plutôt réussi mais les personnages ne sont pas vraiment guidés, semblent dépourvus d’objectifs et finissent par manquer de conviction.
Côté distribution, seule l’Alcina de Monika Buczkowska marque la soirée. Dotée d’une projection généreuse et d’un timbre suave et capiteux, elle donne le coup de grâce en interprétant ce qui restera le plus bel air de la soirée : ‘Mi restano le lagrime’, déchirant et particulièrement inspiré. Alors comment expliquer qu’elle passe à côté de son ‘Ombre pallide’, pâlichon et peu incarné ?
Il faut dire que la direction juste efficace mais atone de Julia Jones n’aide pas vraiment. Aucune recherche ou idées d'interprétation ne viennent bousculer une partition scolaire. Sans parler des attaques ou autres décalages avec les chanteurs.
Dommage que Haendel n'ait donné qu'un seul air 'Pensa à chi geme' à chanter au personnage de Melisso. Avec sa voix bien timbrée, pleine et généreuse, des variations intéressantes et surtout un jeu malin avec les rythmes, Erik van Heyningen s'est distingué avec brio.
Avec un physique avantageux, muscles et chevelure abondante de rockeur, le contre-ténor Elmar Hauser ne convainc pas pour autant. Même s’il trouve quelques moyens d’apporter une certaine sensibilité à son chant notamment dans l'air 'Mi lusingha' avec quelques notes aiguës bien amenées, la voix manque de volume et le timbre ne possède rien de spécial à une époque où les très bons contre-ténors sont légion. Manque de préparation ? Entre oublis de textes, décalages rythmiques, et justesse, on reste sur notre faim.
Le rôle du petit Oberto que l’on pensait coupé, apparaît soudainement à la fin de l’opéra. Avec une fougue qui demanderait à être mieux maîtrisée, Clara Kim a interprété l'air 'Barbara'.
Le Bradamante de Katharina Magiera ne nous a pas totalement convaincu. La mezzo-soprano a eu du mal à venir à bout des vocalises et certains sons nous ont paru bien laids.
Reste le couple Oronte et Morgana. Cette dernière incarnée par la soprano Shelén Hughes, manquait singulièrement de brillance. Un air tel que le jubilatoire 'Tornami a vagheggiar' aurait mérité davantage de pyrotechnie. Quant au Oronte de Michael Porter, son séduisant timbre de ténor convainc même s’il donne le sentiment de ne pas avoir suffisamment investi son rôle. Il s'était montré plus intense dans le rôle de Lichas dans l'oratorio Hercules sur cette même scène.
Bref, nous ressortons sans conviction avec le sentiment d'un spectacle sans passion.
Ruggero Meli