Gala des Lauréats du Concours Cesti, Innsbruck 19.08.2019
GALA des Lauréats du Concours Cesti (GALA DER SIEGER) 19 August 2019 Château d'Ambras, salle espagnole ★★★★★
Airs et duos tirés des productions d'opéras du Festival
HANDEL: Overture (Giulio Cesare)
PORPORA: Qual turbine (Il Germanico) ER
HAYDN: Chi nel cammin d’onore (L’isola disabitata) MP
CIMAROSA: Se son vendicata (Il matrimonio segreto) ML
PERGOLESI: Mentre dormi (L'Olimpiade) ER
PERGOLESI: Lo conosco (duet) (La Serva Padrona) ML + MP
***
HANDEL: Overture (Alcina)
MOZART: Alla selva (Il Re Pastore) ML
TELEMANN: Süße Worte schöner Lippen (Flavius Bertaridus, König der Langobarden) MP
VIVALDI: Gelido in ogni vena (Il Farnace) ER
HANDEL: Lascia ch'io pianga (Rinaldo) ML
HANDEL: Ob dein Mund wie Plutons Rachen (Almira) MP
PERGOLESI: Ne' tuoi giorni felici (duet) (L'Olimpiade) ML + ER
BIS: STRADELLA: No fia ver (trio) (San Giovanni) ML + ER + MP
Marie Lys, soprano ★★★★★
Emilie Renard, mezzo-soprano ★★★★☆
Morgan Pearse, bass-baritone ★★★★★
Innsbrucker Festwochenorchester.
Dir. Alessandro De Marchi
This Gala confirmed that these three singers, all winners of the Singing Cesti competition, are exceptional artisits with promising careers.
Le concours de chant Cesti fête ses 10 ans cette année (voir l'article consacré au concours). Pour l'occasion le festival de musique ancienne d'Innsbruck a convié quelques unes de ses perles pour un gala exceptionnel dans un lieu qui l'est tout autant: le château d'Ambras, et plus précisément dans la somptueuse salle espagnole, qui volerait presque la vedette aux artistes tant elle est rutilante de beauté (on passerait presque l'entièreté du concert à admirer les caissons de bois des plafonds, les marbres patinés des sols, les 27 portraits de souverains du Tyrol ou encore la série de médaillons ornée de ramages...). Mais très heureusement, les trois solistes vocaux, tout à fait brillants et captivants, ne nous en ont pas laissé l'occasion. A commencer par la divine soprano Marie Lys, 1er prix au concours Cesti 2018, qui nous a offert un large panel de ses qualités vocales et artistiques au travers de compositeurs tels que Cimarosa, Mozart, Pergolesi et Haendel, airs dans lesquels elle a ébloui son auditoire d'une voix homogène, longue, brillante, souple et virtuose. Les vocalises interminables de l'air "Alla selva" de Mozart étaient particulièrement brillantes, air que l'on peut d'ailleurs considérer comme véritable "air de concert" tant il est redoutable à chanter. Plus surprenant, est le parti pris du chef De Marchi dans l'air "Lascia ch'io pianga", bien loin des interprétations que l'on a l'habitude d'entendre de nos jours: un orchestre au son généreux, au tempo plutôt rapide et un premier violon aux étonnantes arabesques quand d'autres font murmurer l'orchestre. A ce propos, on se souvient d'une production de Rinaldo de 2011 à l'opéra de Cologne avec notamment Simone Kermes et Patricia Bardon dans une mise-en-scène qui ne nous avait pas enthousiasmé mais où l'on retrouvait ces mêmes traits de direction. Les trois ensembles (deux duos et un trio) ont permis à la soprano Suisse de faire montre également de ses talents de comédienne, surtout dans le duo de Pergolesi tiré de La Serva padrona, où son jeu débridé, désopilant et un brin coquin a endiablé son partenaire mais aussi le public !
Sa partenaire, la mezzo-soprano anglaise Emilie Renard, qui remplace Emily D'Angelo, contrainte d'annuler suite à un calendrier chargé (grande gagnante du concours Operalia 2018), a été la grande gagnante du concours Cesti 2013. Son abattage vocal ainsi que son aplomb ont sidéré, notamment dans l'air de Porpora "Qual turbine" en tout début de programme, qui nous a littéralement emporté dans un tourbillon de notes. Mais c'est à un doux bonheur auquel la mezzo-soprano nous a fait goûter ensuite au travers du très tendre air de Pergolesi "Mentre dormi", qui s'est terminé dans une cadence délicieusement susurrée sur les mots "mio piacere". Un délice ! En revanche, le très dramatique "Gelido in ogni vena" de Vivaldi, a montré quelques limites en début d'air, mais un da capo inventif et une interprétation toute personnelle lui ont permis de se distinguer avec les honneurs. Et que dire du déchirant duo de Pergolesi "Ne'giorni tuoi felici" en duo avec la soprano Marie Lys, qui s'est achevé dans une cadence absolument vibrante d'émotion et dont les harmoniques ont fait frissonner jusqu'aux murs de la salle ?
Enfin, le baryton-basse Morgan Pearse, tout bonnement sensationnel, semble sans-limites. On reste frappé par sa maturité vocale, son expressivité, sa voix d'airain, sa projection, son timbre enjôleur, l'intelligence du texte, la souplesse de la voix, son brillant jeu de scène (duo de Pergolesi). Mais le choix des airs a mis également en exergue d'autres grandes qualités: poésie, délicatesse et sensibilité notamment dans un air pris complètement en mezza-voce de Telemann, sorte de berceuse tout en caresses. Quel artiste !
La tâche de débusquer un trio en guise de bis n'a pas été simple, comme l'a annoncé si justement le chef De Marchi, qui a réussi tout de même à dénicher une perle baroque: le trio de l'oratorio San Giovanni Battista d'Alessandro Stradella, duquel le public est sorti charmé et enthousiasmé.
L'Innsbrucker Festwochenorchester a brillamment soutenu les trois stars mais s'est aussi distingué dans deux ouvertures de Haendel (Giulio Cesare et Alcina) avec un son généreux, chargé de caractère et contrastes. Mention spéciale pour le chef De Marchi qui a diverti le public par ses délicieuses improvisations au clavecin entre les différentes pièces.
Gageons que ces trois artistes (tous ont chanté sans partition), sont promis à une grande carrière. En plus de savoir bien chanter, ils savent raconter des histoires, passionner, et donner de l'émotion. Tout y est !