Handel RADAMISTO Paris 06.II.2013
Paris. Théâtre des Champs Elysées. 06-II-2013. Georg Friedrich Haendel (1685-1750) : Radamisto, opéra en trois actes sur un livret de Nicola Francesco Haym, Domenico Lalli et Matteo Noris. Version concertante. Avec : David Daniels, Radamisto ; Patricia Bardon, Zenobia ; Luca Pisaroni, Tiridate ; Brenda Rae, Polissena ; Elizabeth Watts, Tigrane ; Robert Rice, Farasmane. The English Concert, direction : Harry Bicket
Révélation de la Theodora de Glyndebourne sous la direction de William Christie en 1996, David Daniels avait véritablement subjugué et conquis le monde baroque, collectionné les succès puis subitement déserté les scènes européennes. C’est dire combien son come back était attendu, qui plus est dans une œuvre avec laquelle il avait déjà connu le succès : Radamisto de Haendel.
Il y a quelques semaines, c’est au Theater an der Wien qu’il avait d’abord rendez-vous dans ce rôle, dans une mise en scène avare en narration mais aux costumes et décors somptueux! Et le choc a été rude : lors de la première, Daniels a franchement déçu ! Soir de méforme ? Cette version de concert parisienne allait nous en donner le cœur net. Notons que la version choisie diffère considérablement de celle proposée à Vienne (Haendel ayant connu un succès considérable avec cette œuvre, il la remania à plusieurs reprises en transposant certaines tessitures et en modifiant de nombreux airs…).
Au pupitre, René Jacobs laisse désavantageusement sa place à Harry Bicket, ce dernier offrant une interprétation propre et sage au regard de la direction rageuse et éminemment théâtrale du belge. Comme à Vienne, Patricia Bardon prête son mezzo chaud et généreux à la tourmentée Zenobia dont des airs fort contrastés lui permettent de faire valoir l’étendue des qualités d’une artiste dont le temps n’a que très peu entamé la voix (on se souvient de son Orlando avec bonheur). Luca Pisaroni impressionnant d’autorité, de vaillance et d’expressivité incarne avec force le tyran Tiridate. Pourtant, même s’il paraît difficile de faire mieux, à Vienne, Florian Boesch transcende véritablement le personnage. Dans le rôle de Tigrane, la soprano Elizabeth Watts, dont le timbre n’est pourtant pas des plus séduisants, parvient à se dépasser par un fort engagement vocal et expressif, multiplie les prises de risque, et remporte l’adhésion avec fort panache. A Vienne, c’est le ténor Jeremy Ovenden qui avait fort bien investi le rôle avec des airs sensiblement différents. Enfin c’est certainement le second rôle de Polissena interprété par la soprano Brenda Rae qui séduit le plus. Ses qualités et capacités vocales sont telles, que le rôle paraît trop étriqué pour la chanteuse. Elle vocalise, trille et projète généreusement avec un naturel confondant. Entendue récemment à Francfort dans un rôle à la mesure de sa voix, elle nous avait sidéré dans le rôle exigeant de Cleopatra de l’opéra Giulio Cesare de Haendel.
Reste le cas David Daniels : même si son engagement dans les récitatifs est louable, ses airs déçoivent et confirment les méfaits qu’a eu le temps sur une voix, qui autrefois nous avait tant fasciné. Où est donc passé le crémeux de sa voix, ses couleurs miel, ses séduisantes vocalises ? La partie grave n’offre plus qu’un son rêche, et des vocalises bien laides. Grâce à son métier, il parvient tout de même à sauver un air : l’élégiaque « Ombra cara » qui lui permet de poser sa voix et maintenir une ligne vocale à l’ineffable poésie. Insuffisant pour rattraper le reste de la partition ! Dans ces conditions, il paraît difficile pour le chanteur de se maintenir en haut des affiches, surtout au regard de la brillante génération montante de contre-ténors, avec laquelle il doit désormais compter, tels que Franco Fagioli, Yuri Minenko, Valer Barna-Sabadus, Iestyn Davies, Max Emanuel Cencic, David DQ Lee, David Hansen… Andreas Scholl connaît le même sort, ce qui souligne une fois de plus la fragilité de cette voix.