Philharmonie de Luxembourg, le vendredi 19 septembre 2025 à 19h30
Felix Mendelssohn-Bartholdy :
Musique pour A Midsummer Night's Dream (Le Songe d'une nuit d'été)
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Die erste Walpurgisnacht
Sam Cobb soprano
Rebecca Hardwick soprano
Sarah Denbee mezzo-soprano
Jonathan Hanley ténor
Graham Neal ténor
Alex Ashworth basse
Peter Edge baryton
Luxembourg Philharmonic
The Constellation Choir
Sir John Eliot Gardiner direction
Un couplage pertinent
Depuis ses récents déboires médiatiques, John Eliot Gardiner multiplie les projets pour redorer son image. Rebaptisant son chœur sous le nom de Constellation Choir, il s’associe ici à l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg pour un concert consacré à deux œuvres magiques de Felix Mendelssohn : Le Songe d’une nuit d’été, sur le texte de Shakespeare, dans une version semi-scénique mêlant interventions théâtrales et musicales en anglais, et La Première Nuit de Walpurgis, cantate dramatique sur un poème de Goethe, en langue allemande.
La comédie shakespearienne transporte le spectateur dans le monde enchanté de la forêt d’Athènes, lors d’une nuit de Saint-Jean. Obéron, roi des fées, fâché contre son épouse Titania, décide de se venger : à son réveil, elle tombera amoureuse du premier être qu’elle croisera… un artisan affublé d’une tête d’âne ! Shakespeare brouille les cartes et tisse un imbroglio où se croisent Thésée et Hippolyta, deux couples d’amants contrariés et une troupe de comédiens amateurs, dans un enchevêtrement de quiproquos baroques. La mise en espace permet aux acteurs et chanteurs d’évoluer librement : l’orchestre, placé légèrement en retrait, ouvre une large aire de jeu. Cheveux tressés de fleurs, les fées, graciles et lumineuses, charment le public par leur fraîcheur, avec une mention spéciale pour la voix cristalline et aérienne de la soprano Sam Cobb. L’essentiel relève toutefois de l’interprétation théâtrale, les interventions vocales venant comme des éclats trop rares.
À la tête de l’orchestre, Gardiner prouve qu’il n’a rien perdu de sa vigueur : direction nerveuse, précise, toujours soucieuse du détail. Mendelssohn en sort ciselé, palpitant d’énergie. La fameuse Marche nuptiale résonne brillante et majestueuse, tandis que les atmosphères nocturnes, mystérieuses et diaphanes, alternent avec des pages étincelantes de vivacité. Humour, raffinement, poésie et espièglerie dominent cette première partie, conclue par le chœur des fées, véritable enchantement.
Avec La Première Nuit de Walpurgis, le ton change radicalement. L’œuvre, plus brève mais intensément dramatique, installe une atmosphère solennelle qui ne tarde pas à s’embraser. Dans les montagnes du Harz, à l’époque de la christianisation, les anciens cultes païens sont interdits. Un prêtre druidique imagine alors une ruse : druides et fidèles se déguisent en esprits infernaux pour terroriser les soldats chrétiens et sauver leur fête du printemps.
Gardiner galvanise chœur et orchestre dans une lecture ardente, presque fiévreuse. Les solistes se montrent à la hauteur de ce souffle dramatique : le baryton-basse Alex Ashworth impose une autorité vocale souveraine, tandis que le ténor Jonathan Hanley, dans une intervention brève mais fulgurante, marque les esprits par son intensité alarmiste. Le chœur, impressionnant de puissance et de cohésion, porte l’œuvre avec éclat.
Entre magie féerique et visions démoniaques, Mendelssohn trouve en Gardiner et en ses musiciens des interprètes habités. Le public luxembourgeois ne s’y trompe pas et réserve un accueil chaleureux à ce programme rare, servi avec panache.
(Certaines informations sont reprises du programme de salle rédigé par Gilles Couderc.).
Ruggero Meli