Triomphal !
Opéra du Rhin, Strasbourg, dimanche 14.IX.2025 à 17h.
Georg Friedrich HAENDEL : Il Trionfo del Tempo e del Disinganno, HWV 46a.
Oratorio en deux parties composé en 1707 en italie sur un livret du cardinal Benedetto Pamphili.
Bellezza : Melissa PETIT, soprano
Piacere : Julia LEZHNEVA,soprano
Disinganno : Carlo VISTOLI, contre-ténor
Tempo : Krystian ADAM, ténor
Les Accents
Thibault NOALLY, violon et direction
L’Opéra national du Rhin a choisi d’ouvrir sa saison par un concert unique d’une qualité exceptionnelle. Dimanche 14 septembre 2025, le public strasbourgeois est venu nombreux découvrir – ou redécouvrir – l’une des œuvres les plus enchanteresses de Haendel : Il Trionfo del Tempo e del Disinganno. Pour servir cette partition foisonnante, on avait réuni une équipe de tout premier ordre : l’ensemble Les Accents, dirigé par le violoniste virtuose Thibault Noally. Spécialistes du compositeur et familiers de cette œuvre, ils ont su en magnifier chaque page instrumentale. Sous leurs archets, la musique se déploie tour à tour faussement naïve, dramatique, rageuse ou poignante, avec une intensité qui emporte d’un bout à l’autre.
La distribution vocale, elle aussi, avait des allures de rêve. Tous – à l’exception peut-être du ténor Christian Adam – connaissent l’œuvre intimement. Mélissa Petit, déjà applaudie en Bellezza à Salzbourg aux côtés de Cecilia Bartoli, retrouve le rôle avec un naturel confondant. Julia Lezhneva, qui a incarné à plusieurs reprises Piacere mais aussi Bellezza, demeure l’un des rossignols les plus étincelants de sa génération. Enfin, Carlo Vistoli, coutumier du rôle de Disinganno, confirme sa stature.
Ce dernier impressionne par son art de la retenue et du contraste, une intensité toujours maîtrisée qui déploie toute la noblesse de sa voix souveraine et éclatante.
Mélissa Petit captive par un timbre rond et fruité, capable de s’alléger jusqu’à l’aérien ou de se corsé dans les passages dramatiques ; son grand air final bouleverse par son émotion sincère.
Julia Lezhneva, fidèle à sa réputation, éblouit par des trilles d’une précision inégalée, que ce soit dans un 'Lascia ch’io pianga' brodé comme de la dentelle ou dans un 'Un nemico di pace' étourdissant de virtuosité. On regrettera toutefois une tendance à alléger à l’extrême ses vocalises pour conserver une vitesse survoltée : le fil du son s’en trouve parfois aminci, comme dans son duo avec Mélissa Petit.
Quant à Christian Adam, il campe un Tempo solide et viril, à l’aisance impressionnante dans les traits rapides.
Un concert prestigieux, qui a tenu toutes ses promesses et ouvert la saison sous le signe du triomphe.
Ruggero Meli