Festival de PONTOISE 27.IX.2025

Une fête musicale haute en couleurs

          Le Festival Baroque de Pontoise célébrait le 27 septembre dernier ses quarante ans avec un concert-anniversaire aussi généreux qu’éclectique. Près de deux heures et demie de musique sans entracte ont permis de retrouver, tour à tour, une pléiade d’artistes parmi les plus familiers du festival, réunis autour du directeur artistique Pascal Bertin, maître de cérémonie affable et plein d’humour — qu’on se souvient avoir applaudi autrefois dans son répertoire de contre-ténor.  Pour l’occasion, le programme plaçait Les Quatre Saisons de Vivaldi au cœur de la soirée, servies avec éclat par Le Caravansérail de Bertrand Cuiller, en grande forme pour cet anniversaire. L’ensemble baroque offrait une interprétation ciselée, nerveuse et poétique, pleine d’allant et de reliefs dynamiques. Au violon solo, Vadym Makarenko se distinguait par une virtuosité sans clinquant et un sens aigu du phrasé : un Vivaldi habité, vif et maîtrisé, jamais démonstratif.  

          La comédienne Julie Depardieu, narratrice de la soirée, prêtait sa voix vive et malicieuse à des textes de liaison teintés d’humour et de poésie — parfois un brin affectés. Entre les saisons, le programme ménageait des respirations lyriques et instrumentales confiées à des invités prestigieux : Philippe Jaroussky, Laurent Naouri, Ambroisine Bré, Marco Angioloni, Margarita Shevchenko, sans oublier la cheffe Emmanuelle Haïm, venue saluer l’histoire d’un festival auquel elle a tant contribué.  

          Parmi les moments les plus marquants, Ambroisine Bré enchante par la chaleur et la luminosité de son timbre dans un extrait des Nuits d’été de Berlioz et un Summertime de Gershwin d’un charme irrésistible. Elle forme ensuite un duo plein de grâce et d’équilibre avec la soprano Margarita Shevchenko dans le célèbre « Duo des fleurs » de Lakmé, moment suspendu d’une grande délicatesse.  Philippe Jaroussky, fidèle du festival, retrouve le public avec une prestation élégante, toute en pureté de ligne, dans l’air de Haendel “Se infiorito ameno prato” (Giulio Cesare), puis dans un Vivaldi d’une grande intensité, “Gelido in ogni vena” — malheureusement amputé de son da capo. En fin de concert, Laurent Naouri signae une intervention très remarquée dans un air de Purcell d’une intensité dramatique saisissante.

          On saluera également les interventions touchantes de Margarita Shevchenko et de sa fille, à la flûte, dans plusieurs airs traditionnels ukrainiens, moments simples et sincères qui ont ému le public.

          Plus inégales furent les apparitions de Bob Wilson, dont la déclamation manquait d'uniformité, et surtout du ténor Marco Angioloni, à l’émission vocale peu homogène. Mais ces réserves n’ont guère terni la chaleur de cette soirée jubilatoire, conclue dans une ambiance de fête par la “Danse des Incas” des Indes Galantes de Rameau, reprise en chœur par tous les artistes, sous les applaudissements nourris d’un public conquis.

          Un quarantième anniversaire placé sous le signe du partage, de la fidélité et de la joie baroque.
                                                          Ruggero Meli