Bâle, Stadtcasino, Musiksaal, vendredi 5 décembre 2025 19h30
Johann Sebastian Bach «Weihnachtsoratorium», Oratorio de Noël, cantates Nr. 1 à 3 et Nr. 6
Robin Johannsen, soprano
Alex Potter, contre-ténor
Jakob Pilgram, ténor
Ben Kazez, baryton-basse
La Cetra Barockorchester- und Vokalensemble
Andrea Marcon, direction
Le temps de l’Avent s’installe, et avec lui une floraison de Messie et d’oratorios de Noël aux quatre coins de l’Europe. Fidèle à une tradition presque devenue rituel, La Cetra avait habitué le public bâlois aux fastes haendéliens. Surprise, donc : cette saison, Andrea Marcon délaisse Haendel pour revenir à Bach et son Weihnachtsoratorium, donné au Stadtcasino avec quatre des six cantates (I, II, III et VI). Un choix dramaturgique cohérent, même si la répartition des airs peut laisser la soprano avec une partition plus modeste que ses collègues.
Dès les premières mesures du chœur introductif Jauchzet, frohlocket, Marcon déploie cette manière toute personnelle de faire jaillir la jubilation bachienne sans brusquer la texture. Le chœur – admirable La Cetra Vokalensemble – s’impose par son grain rond, ses attaques pleines, un délié de vocalises exemplaire. L’effet de masse, dans la sixième cantate, culmine lorsque les solistes sont placés cette fois à l’avant-scène dans Herr, wenn die stolzen Feinde schnauben, choix qui rétablit un équilibre sonore jusque-là quelque peu contrarié.
Car auparavant, certaines interventions chorales confiées aux solistes – depuis une estrade située derrière l’orchestre – souffraient d’un certain manque d’impact et de lisibilité. Les replacer au premier plan libère soudain un spectre sonore généreux et galvanisant, porté par des timbales et trompettes d’une belle ardeur, et ce « jeu d’échanges » entre voix solistes et tutti devient soudain pleinement perceptible.
Mention spéciale également aux instrumentistes solistes, dont les interventions ont largement contribué au relief de la soirée : les timbales festives de Thomas Späth, irradiantes dans les grands tutti ; les hautbois d’amour profonds et inspirés de Priska Comploi et Georg Fritz, véritables porteurs de couleur ; la flûte délicatement envoûtante de Karel Walter ; et le violon sensible et finement orné d’Eva Saladin, particulièrement admirable dans l’accompagnement de l’air du contre-ténor Schliesse, mein Herze.
Mais le concert ne se résume pas à l’exultation. Certaines pages trouvent chez Marcon un traitement d’une retenue quasi liturgique : ainsi du chœur Wie soll ich dich empfangen, pris dans un tempo volontairement très lent, véritable prière murmurée. Ce choix dialoguait admirablement avec l’air Bereite dich du contre-ténor qui le précédait, interprété avec une délicatesse presque spirituelle.
Alex Potter, véritable fil conducteur de la soirée, offre des interventions d’une fragilité contrôlée, timbre velouté, pudeur expressive qui touche droit au cœur. Dans Schliesse, mein Herze, le violon d’Eva Saladin – subtil, frémissant – tisse autour de lui un écrin de douceur.
Robin Johannsen, lumineuse comme à son habitude, se distingue dans son grand air accompagné par le hautbois divinement chantant de Priska Comploi.
Jakob Pilgram, Évangéliste clair et expressif, affronte avec aplomb le redoutable et virtuose Frohe Hirten, même si la fatigue se fait sentir en fin de parcours, où un certain détimbrage ternit Und Gott befahl ihnen im Traum… Nun mögt ihr stolzen Feinde schrecken.
Ben Kazez, baryton sincère et engagé, défend ses interventions avec une réelle conviction. On y aurait cependant souhaité un grain plus sombre et une projection plus généreuse : dans Großer Herr, en particulier, l’écriture semble appeler la profondeur d’une véritable basse, capable d’en déployer toute la majesté.
Entre ferveur et éclat, entre jubilation instrumentale et recueillement quasi mystique, Marcon et La Cetra offrent un Weihnachtsoratorium contrasté, profondément humain, qui a manifestement touché le public bâlois. À la sortie, la cohue du marché de Noël – fumets sucrés, chalets illuminés, foule dense – rappelait que l’esprit de la fête prend bien des formes. Dans la salle, il avait pris celle d’un Bach vibrant et habité.
Ruggero Meli
La Cetra Barockorchester
Andrea Marcon
La Cetra Barockorchester- und Vokalensemble
Andrea Marcon
Robin Johannsen
Alex Potter
Jakob Pilgram
Karel Walter