Handel AMADIGI Vienna 25.IV.2013
Vienne. Theater an der Wien. 25-IV-2013. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Amadigi di Gaula, opéra seria en 3 actes sur un livret de Giacomo Rossi ou Nicola Francesco Haym. Version concertante. Avec : Sonia Prina, Amadigi ; Roberta Mameli, Melissa ; Delphine Galou, Dardano/Orgando ; Emoke Barath, Oriana. Orchestre Il Complesso barocco, direction: Alan Curtis
C’est avec un opéra de jeunesse, Amadigi di Gaula, que l’infatigable chef Alan Curtis poursuit son incroyable conquête des opéras de Haendel, l’aventure le portant cette fois vers les contrées inquiétantes de la magicienne Melissa qui tente désespérément de conquérir le coeur du chevalier Amadigi, amoureux de la douce Orianna, qui elle même a éconduit le prince Dardano. Difficile sans mise en scène de prendre toute la mesure de la dimention magique d’un opéra supposé exhiber esprits et démons, monstres et furies, ainsi que d’inattendus phénomènes magiques…
Seuls quatre personnages vont habiter ce monde maléfique (Haendel a bien composé quelques récitatifs pour un cinquième peronnage, mais il est chanté ici par Delphine Galou suite au décès de son personnage en fin d’opéra), et les interprètes en sont toutes féminines dans cette distribution. Le rôle titre a pourtant été écrit pour le grand Nicolini, castrat alto napolitain, mais Sonia Prina possède l’abattage masculin nécessaire pour endosser le rôle avec une certaine crédibilité mais elle frise parfois la caricature voire le grotesque dans les airs de bravoure tel que ”Sento la gioia” avec ses vocalises à l’émission si déplaisante et son maniérisme exacerbé. Heureusement la contralto italienne compense avec quelques beaux moments dont l’évocation de son chagrin au travers d’une atmosphère nocturne le tout délicatement émis en mezza voce : ”Notte amica”.
Son rival Dardano interprété par le voluptueux contralto de Delphine Galou, à la fois vigoureux dans un air tel que ”Pugnero contro del fato” aux vocalises éclatantes et faciles, et au da capo si inventif, mais surtout tendre et touchant dans ce qui est certainement l’air le plus beau et le plus attendu de la partition, la plainte: ”Pena tiranna” acompagné d’un hautbois et d’un basson, le tout à vous tirer des larmes. Une réussite ! C’est la soprano Emoke Barath qui prête sa voix fraîche et lumineuse à la tant convoitée Orianna. Sa voix possède toute la délicatesse et la fragilité requises par le rôle. A son écoute, l’on comprend mieux pourquoi les deux presonnages masculins en sont tant épris ! Elle parvient même à nous surprendre en prenant le contre-pied de son rôle d’innocente victime, en dévoilant une véhémence insoupçonnée dans son air ”Affanami, tormentami”. Admirable ! Mais la vraie surprise de la soirée vient des interventions spectaculaires de la soprano italienne Roberta Mameli dans le rôle brillant de la terrible Melissa. Son soprano semble n’avoir aucune limite, elle tonne, tempête et brave avec panache tous les obstacles de la partition. Chacun de ses airs est un spectacle en soi ; elle passe, entre autres, du déchirant ”Ah spietato” à l’éclatant ”Destero dell’empia dita” accompagné d’une trompette, avec un aplomb déconcertant. Un vent de folie a soufflé sur le Theater an der Wien !
Même si le chef Alan Curtis ne possède pas toujours ce sens de l’art théâtral tant nécessaire pour faire vivre des drames somme toute superficiels, il sait s’entourer des meilleurs chanteurs et musiciens et parvient ainsi à faire de cette soirée un moment mémorable, surtout lorsque l’on sait qu’il s’agit d’un concert unique tout comme l’avait été son Orlando à Versailles il y a quelques mois.