Abbaye de Royaumont. Réfectoire des moines. Dimanche 14 décembre 2025 à 15h30
Haendel Le Messie, oratorio en 3 parties, sur un texte de Charles Jennens, créé à Dublin le 13 avril 1742.
Gwendoline Blondeel, soprano
Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténor
Laurence Kilsb, ténor
Alexandre Baldo, baryton-basse
Choeur et Orchestre de l'Opéra Royal de Versailles
Direction : Théotime Langlois de Swarte
Tous les professionnels de la musique classique le savent : le temps de répétition est devenu une denrée rare. Les confidences de solistes avouant avoir à peine répété ne surprennent plus. Elles rappellent combien le métier, le déchiffrage et l’expérience sont devenus essentiels. À l’écoute de ce Messie de Haendel, donné dimanche à l’abbaye de Royaumont, c’est aussi ce sentiment contrasté qui affleure à l’écoute : une exécution brillante et inspirée, mais traversée d’incertitudes révélatrices d’une préparation sans doute trop brève.
Çà et là, quelques accrocs viennent troubler le flux musical : attaques hésitantes du chœur ou de l’orchestre, faux départs (le chœur dans He trusted in God), ou encore cafouillage au début de l'air If God be for us. Autant de maladresses qui, sans remettre en cause la réussite globale de la soirée, laissent percevoir ce qu’un temps de travail supplémentaire aurait pu sublimer.
Passées ces imperfections, le public de Royaumont a toutefois assisté à une performance de haut vol, portée par la direction fougueuse et tonique de Théotime Langlois de Swarte. Plus théâtrale que religieuse, sa lecture privilégie les contrastes, les élans dramatiques et les effets de surprise. Les tempi vifs et le jeu incisif confèrent à l’ouvrage une tension narrative absolument fascinante. Mention spéciale à l’orchestre de l'Opéra de Versailles, d’une vitalité remarquable. Violoniste de premier plan, le jeune chef confirme ici des qualités de meneur et une vision musicale qui le destinent, à l’évidence, à une carrière majeure.
Le chœur de l'Opéra de Versailles, encore perfectible, a su se hisser à un très haut niveau dans les moments clés. L’Alléluia, très attendu, est magnifié jusqu’au frisson par sa splendeur et son ampleur. Les vocalises dynamiques de For unto us a child is born, d’un délié fort appréciable, témoignent d’un réel engagement collectif.
Le plateau vocal, d’excellente tenue, contribue largement au succès de la soirée.
La soprano belge Gwendoline Blondeel séduit par son soprano lumineux, particulièrement éclatant dans un Rejoice pétillant — malgré un léger manque de souffle dans la longue vocalise finale. Les aigus, faciles et rayonnants, s’ornent de cadences divines, rondes et fruitées. Son How beautiful are the feet, délicat et sensible, touche par sa simplicité expressive.
Le contre-ténor Paul-Antoine Bénos-Djian s’impose par une incarnation profondément émouvante de He was despised. Sa voix de contralto, charnue et veloutée, déploie de superbes graves inattendus. Il enflamme But who may abide, d’abord tendre et contenu, avant une soudaine incandescence soutenue par des cordes déchaînées. Le contraste est saisissant. Le duo avec la soprano se distingue par sa douceur ainsi que sa grande finesse.
Heureux de retrouver le ténor Laurence Kilsby, récemment indisposé dans la production d'Ariodante à Versailles, on admire d’emblée l’alliance de douceur et de robustesse d’une voix élégante. Comfort ye… Every valley brille par des vocalises précises et solidement articulées. La noblesse du timbre s’exprime pleinement dans Thy rebuke… Behold and see, empreint d’une profonde tristesse, subtilement colorée par un vibrato émotif.
Enfin, le jeune baryton-basse Alexandre Baldo impressionne par sa prestance scénique et une voix à la fois solide et flexible. Thus saith the Lord, Why do the nations ou encore un majestueux The trumpet shall sound révèlent une projection sonore affirmée. On perçoit encore, çà et là, une recherche d’équilibre entre piani et forte — une marge de progression naturelle au regard de son jeune âge, tant les bases techniques et musicales sont déjà solides.
Au final, ce Messie de grande qualité n’aurait sans doute nécessité qu’un peu plus de temps et de préparation pour atteindre l’excellence. Il ne manquait finalement pas grand-chose. Direction inspirée, solistes marquants, orchestre et choeur étincelants offrent une lecture de caractère, rythmée et engagée. Premier volet d’une tournée de quatre concerts, cette soirée laisse espérer que les quelques imperfections entendues trouveront rapidement leur résolution.
Ruggero Meli
Choeur et Orchestre de l'Opéra Royal de Versailles
Théotime Langlois de Swarte, direction
Gwendoline Blondeel, soprano
Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténor
Laurence Kilsby, ténor
Alexandre Baldo, basse