Handel BELSHAZZAR, Göttingen 14.V.2022
Georg Friedrich HANDEL: BELSHAZZAR, HWV 61
English oratorio in 3 acts. Libretto by Charles Jennens
Göttingen Handel Festival, Saturday 14 May 2022 St. Johannis-Kirche 7pm
Belshazzar Juan Sancho, tenor
Nitocris: Jeanine De Bique, soprano
Cyrus: Mary-Ellen Nesi, mezzo-soprano
Daniel: Raffaele Pe, countertenor
Gobrias: Stephan MacLeod, bass-baritone
Concerto Köln
NDR Vokalensemble
Dir. Václav Luks
C’est au sein de la Johannis-Kirche de Göttingen, parée de ses nouveaux apprêts, qu'a pris vie l’oratorio de Haendel Belshazzar. Une œuvre hautement théâtrale qui d’emblée nous plonge dans un tourment extrême constitué d’un savant mélange de récitatifs, récitatifs accompagnés, arioso et aria ! Après une ouverture au caractère bien trempé (un second mouvement en forme de tremblement de terre), Jeanine De Bique en Nitocris n’a pas la tâche facile. Au delà d’une musique particulièrement chaotique, la soprano doit faire preuve d’une juste expressivité entre retenue et désinhibition au travers d'un texte à la déclamation particulièrement difficile (l’un des textes les moins aisés à chanter parmi les livrets du Caro Sassone). La gravité et la tension dramatique admirablement bien rendus par les interprètes nous tient en haleine et nous plongent au cœur de diverses problématiques qui vont s'entremêler :
une mère aux abois qui pressent la tragédie (un peu comme le personnage de Storge qui pressent le pire pour sa fille Iphis dans l'oratorio Jephtha du même Haendel).
Le roi Belshazzar, décadent et dangereusement insouciant
Cyrus et Gobrias qui fomentent un plan d'attaque
Le sage Daniel et ses mises en garde
Les interventions puissantes et admirables du chœur n'ont fait que renforcer les drames qui se jouent.
Jeanine De Bique, admirable Nitocris, joue de sa voix polymorphe: tantôt claire et blanche tantôt corsée et sombre, ce qui rend son personnage fascinant et touchant. Décidément, chacune de ses interprétations haendeliennes est à marquer d’une pierre blanche (merveilleuse Alcina à Garnier ou Belezza à la Philharmonie d’Essen, Rodelinda à Lille, Cleopatra à St Galle, La Resurrezione à Versailles etc.). Peut-être pourrait-on déplorer une diction pas toujours limpide.
Son fils Belshazzar trouve son idéal en la voix et interprétation du ténor Juan Sancho avec ce brin de folie dans la déchéance. Une interprétation presque frénétique, intense, palpitante. Les vocalises fusent, la voix est éclatante, l’interprétation saisissante et le jeu d’acteur retient toute l’attention. Juan Sancho semble désormais mieux doser ses moyens, ici il se montre audacieux mais sans trop en faire.
L’oratorio Belshazzar n’est pas étranger au contre-ténor Raffaele Pe qui a déjà chanté le rôle de Cyrus. Cette fois il est encore plus à sa place dans le rôle du prophète Daniel, passant d’un rôle héroïque à un rôle noble et plein de sagesse bien mieux adapté à sa voix encore. Le rôle lui permet de prendre le temps de déployer cette voix suave et le moelleux d’un timbre envoûtant qui vous poussent à fermer les yeux d'extase. Toute la finesse de la partition s’en trouve valorisée. Des moments de grâces qui ont pourtant laisser pointer quelques notes graves malplaisantes. L’interprète était-il malade ?
Le Cyrus de Mary Ellen Nesi fort prometteur sur le papier a presque tenu toutes nos espérances. Même si certaines parties du rôle semblaient un peu trop basses pour sa voix (1er air) et même si elle a pu montrer ci et là quelques signes d’incertitudes (notamment dans l’air 'Destructive War'), sa valeureuse interprétation nous a conquis. La vitesse d’exécution des vocalises fascine et son interprétation guerrière triomphe. Son aplomb et son engagement font mouche.
Le Gobrias du baryton Stephan MacLeod n'a pas déçu mais le rôle fonctionne encore mieux avec une basse.
Malgré quelques incertitudes : faux départs, oubli du texte, des enchaînements trop lents, etc. qui ont quelque peu desservi la performance suite à une préparation extrêmement limitée (très peu de répétitions à cause de problèmes d’acheminements de la part de la Deutsche Bahn…), le résultat reste de haut niveau grâce au travail soigné et tonique du chef Vaclav Luks, un quatuor de solistes extrêmement bien distribué et un choeur admirable.
Pour information, ce concert a été diffusé en live via la Radio NDR Kultur avec un podcast disponible pendant 30 jours. De plus, il sera possible de retrouver Jeanine De Bique dans ce rôle à l’opéra de Berlin ainsi qu'au Theater an der Wien la saison prochaine.