HANDEL ISRAEL IN EGYPT, Besançon 16.IX.2022

Georg Friedrich Haendel : Israël en Égypte, oratorio en langue anglaise HWV 54
Festival International de Besançon, Grand Kursaal, vendredi 16 septembre 2022 à 20h. 

Collegium 1704 & Collegium Vocale 1704, ensembles baroques de Prague

Václav Luks, direction

collegium 1704

          Israel in Egypt, oeuvre monumentale, exemple unique parmi toutes les œuvres de Haendel d’une composition presque exclusivement destinée à une entité chorale. Il Caro Sassone trouva bon, par la suite, d’y ajouter davantage de parties solistes puis décida même de lui insérer une première partie en guise d’introduction : un copier-coller de son Antienne Funéraire “The ways of Zion do mourn” initialement destinée aux funérailles de la Reine Caroline (un texte à peine réadapté pour Israel in Egypt). Une option à laquelle le chef Vaclav Luks n’a pas opté (alors que l’actualité s’y prêtait avec le tout récent décès de la Reine Elizabeth II). Ainsi, l’œuvre est apparue plus concentrée et directe mais aussi bien courte.  La lecture intense, saisissante et passionnante de Vaclav Luks, se vit comme si l’on suivait un péplum au cinéma. Les événements, spectaculaires pour la plupart, s’enchaînent et se visualisent : l’exode du peuple d’Egypte, l’arrivée du pharaon, l’invasion des insectes, l’épaisse obscurité qui s’abat soudainement, Moïse ouvrant un passage à travers la mer rouge, la joie et la délivrance des israéliens

           Outre la direction magistrale de Vaclav Luks, c’est le chœur Collegium Vocale 1704 qui s’est montré particulièrement admirable en ce vendredi 16 septembre 2022 dans le Grand Kursaal. Avec cinq voix environ par pupitre, tous répartis en arc de cercle derrière l’orchestre sur une estrade, les choristes se sont joués des écueils et autres exigences d’une partition qui pourtant ne les ménage pas. Les vocalises sont vives et éclatantes de clarté, tout comme le texte d’ailleurs, les voix se répondent, s’interpellent se marient à la perfection… Cette répartition en arc de cercle, sur une seule ligne, donne l’avantage de visualiser clairement les voix, mais selon l’endroit où l’on est installé, peut engendrer des carences sonores. Nous avons eu l’impression que quelques voix de soprano supplementaires auraient été les bienvenues. Rien de fâcheux pour autant, car ce chœur reste admirable de cohésion et d’unité sonore. Les contrastes sont saisissants tel l’enchaînement du chœur ‘He sent a thick darkness’, instant linéaire et suspendu suivi des terribles scansions du chœur ‘He smote all the first-born of Egypt’,  qui s’abattent telles des lames sur chaque nouveau né, ou bien au sein d’un même chœur tel le très emphatique ‘He rebuked the Red Sea’. Certains passages choraux auront certainement fait décoller plus d’un spectateur de sa chaise à l’image du phénoménal “But the waters overwhelmed their enemies” ou l’auront, au contraire, terrassé par la puissance d’un souffle dévastateur tel celui du chœur ‘He gave them hail stones’ (Dieu leur envoya de la grêle mêlé à des boules de feu). 

          L'orchestre le Collegium 1704 n’est pas en reste et rivalise d’excellence avec le chœur : virtuose et extrêmement précis voire minutieux, notamment dans le fourmillement si réaliste de la nuée de moucherons et moustiques qui s’abattît sur tout le territoire.  

          La seconde partie (ou troisième partie si l’on prend en compte le fait qu’Israël en Égypte est fait de trois parties comme on peut le lire dans le programme de salle) réserve quelques très attrayantes pages pour solistes, six interventions en tout, très hétéroclites : récitatif, récitatifs accompagnés, air solo, duos (dont un très rare, constitué de deux basses, magnifiquement interprété par Tomas Selc et Tadeas Hoza) et enfin des interventions surprenantes de solistes dans le chœur final. 

Mention spéciale pour la soprano Tereza Zimkova, fraîche et brillante notamment dans l’air ‘Thou didst blow’ qui vous fait passer du ciel aux eaux profondes. 

Le ténor Juan Sancho, s’est notamment distingué dans l’air martial ‘The enemy said’, un chant viril, expressif et plein d’autorité. Seules quelques notes aiguës tendues sont venues ternir une prestation admirable au demeurant. 
Henriette Gödde, quant à elle, nous a fait profiter de son timbre de velours, et d’une clarté du texte bien appréciable, des “R” bien roulés dans ‘Their land brought forth frogs’, des qualités qui font penser à celles de la divine mezzo-soprano Ann Hallenberg.
          Nous espérons que le Festival international de musique de Besançon, qui fêtait son 75ème anniversaire, continuera de programmer des œuvres baroques de cette envergure et finir de nous enflammer à l'image du chœur jubilatoire ‘Sing ye to the Lord’ qui a clôturé cet Israel in Egypt de façon magistrale.